Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné
Lettres de Madame de Sévigné,
de sa famille et de ses amis
Hachette, 1862 (pp. 118-120).
441. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
eÀ Paris, vendredi 6 septembre.
Je pars, ma chère bonne, avec la dernière tristesse de m’éloigner encore davantage de vous, et de voir pour quelques jours notre
[1]commerce dégingandé . Pour achever l’agrément de mon voyage, Hélène ne vient pas avec moi : j’ai tant tardé, qu’elle est dans
[2]son neuf . J’ai Marie, qui jette sa gourme, comme vous savez ; mais ne soyez point en peine de moi, je m’en vais un peu essayer de
n’être pas si fort servie à ma mode, et d’être un peu dans la solitude ; j’aimerai à connoître la docilité de mon esprit, et je suivrai les
exemples de courage et de raison que vous me donnez. Mme de Coulanges ne fait-elle pas aussi des merveilles de s’ennuyer à
Lyon ? Ce seroit une 1675 belle chose que je ne susse vivre qu’avec les gens qui me sont agréables : je me souviendrai de vos
sermons ; je m’amuserai à payer mes dettes et à manger mes provisions ; je penserai beaucoup à vous, ma très-chère bonne ; je
lirai, je marcherai, j’écrirai, je recevrai de vos lettres : hélas la vie ne se passe que trop ; elle s’use partout. Je porte une infinité de
remèdes bons ou mauvais ; je les aime tous, mais surtout il n’y en a pas un qui n’ait son patron, et qui ne soit la médecine de mes
voisins : j’espère que cette boutique me sera fort inutile, car je me porte extrêmement bien.
Je ...
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