Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné
Lettres de Madame de Sévigné,
de sa famille et de ses amis
Hachette, 1862 (pp. 213-220).
465. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME ET À MONSIEUR DE GRIGNAN.
À MADAME DE GRIGNAN.
QUelle lettre, ma très-bonne : quels remerciements ne vous dois-je point d’avoir
employé votre main, vos yeux, votre tête, votre temps à me composer un aussi
aimable livre ! Je l’ai lu et relu, et le relirai encore avec bien du plaisir et bien de
l’attention : il n’y a nulle lecture où je puisse prendre plus d’intérêt ; vous contentez
ma curiosité sur tout ce que je souhaitois et j’admire votre soin à me faire des
réponses si ponctuelles : cela fait une conversation toute réglée et très-délicieuse :
mais, ma bonne, en vérité, ne vous tuez pas : cette crainte me fait renoncer au
plaisir d’avoir souvent de pareils divertissements.Vous ne sauriez douter qu’il n’y ait
bien de la générosité dans le soin que je prends de vous ménager sur l’écriture. Je
comprends avec plaisir la considération de M. de Grignan dans la Provence, après
ce que j’ai vu. C’est un agrément que vous ne sentez plus : vous êtes trop
accoutumés d’être honorés et aimés dans une province où l’on commande.
Si vous voyiez l’horreur, la détestation, la haine qu’on 1675a ailleurs pour le
[1]gouverneur, vous sentiriez la douceur d’être adorée partout . Quels affronts !
quelles injures ! quelles menaces ! quels reproches, avec de bonnes pierres qui
volent autour d’eux ! Je ne crois pas que M. de ...
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