Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné
Lettres de Madame de Sévigné,
de sa famille et de ses amis
Hachette, 1862 (pp. 104-107).
438. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
eÀ Paris, vendredi 30 août.
Je prends la résolution de partir le 4 du mois prochain : je vais droit à Orléans ; j’y trouverai M. d’Harouys, et nous nous y
embarquerons dimanche, après la messe. Je vous écrirai encore mercredi avant mon départ ; je serai quelque temps à Nantes, et
puis aux Rochers. Mon retour est assuré, si je suis en vie, pour le mois de novembre. J’ai un grand regret à notre commerce, qui va
1675 être tout déréglé ; mais la vie est pleine de choses qui blessent le cœur.
[1]Je reviens, ma bonne, du service de M. de Turenne à Saint-Denis . Mme d’Elbeuf m’est venue prendre, et m’a paru me souhaiter ;
[2]le petit cardinal m’en a priée d’un ton à ne pouvoir le refuser. C’étoit une chose bien triste : son corps étoit là au milieu de l’église ; il
est arrivé cette nuit avec une cérémonie si lugubre, que M. Boucherat, qui l’a reçu, et qui l’a veillé, en a pensé mourir de pleurer. Il n’y
avoit que cette famille désolée et tous les domestiques en deuil et en pleurs ; on n’entendoit que des soupirs et des gémissements. Il
n’y avoit d’amis que MM. Boucherat, de Harlay, de Barillon, et Monsieur de Meaux ; Mmes Boucherat y étoient, et les nièces. Mme
[3]d’Elbeuf a pensé crever de douleur ; sa vapeur s’y est mêlée, qui a fait un grand effet . Ç’a été une chose triste de voir tous ...
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