Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SévignéLettres de Madame de Sévigné,de sa famille et de ses amisHachette, 1862 (pp. 137-142).447. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉÀ MADAME DE GRIGNAN.eÀ Nantes, vendredi 20 septembre.J’ai justement reçu ici, ma très-chère, la lettre où vous me croyez une vagabonde sur le bord de l’Océan : peut-on rien voir de plusjuste que vos supputations ? Je vous ai écrit sur la route, et même du bateau, autant que je l’ai pu. J’arrivai ici à neuf heures du soir,[1]au pied de ce 1675grand château que vous connoissez, au même endroit par où se sauva notre cardinal . On entendit une petitebarque ; on demande : « Qui va là ? » J’avois ma réponse toute prête, et en même temps je vois sortir par la petite porte M. deLavardin avec cinq ou six flambeaux de poing devant lui, accompagné de plusieurs nobles, qui vient me donner la main, et me reçoitparfaitement bien. Je suis assurée que du milieu de la rivière cette scène étoit admirable ; elle donna une grande idée de moi à mesbateliers. Je soupai fort bien ; je n’avois ni dormi, ni mangé de vingt-quatre heures. J’allai coucher chez M. d’Harouys. Ce ne sont quefestins au château et ici. M. de Lavardin ne me quitte point : il est ravi de causer avec moi. Il m’a conté en détail toute l’histoire decette province, et les conduites différentes de ceux qui ont le commandement : c’est une chose extraordinaire, et qui m’a fort amusée.En récompense, je lui ai donné du nôtre, et cet échange a fait de grandes ...
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