Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SévignéLettres de Madame de Sévigné,de sa famille et de ses amisHachette, 1862 (pp. 226-235).467. — DE MADAME DE SÉVIGNÉÀ MADAME DE GRIGNAN.eAux Rochers, mercredi 13 novembre.Les voilà toutes deux, ma très-chère ; il me paroît que je les aurois reçuesréglément comme à l’ordinaire, sans que Rippert m’a retardée d’un jour par sonvoyage de Versailles. Quelque goût que vous ayez pour mes lettres, elles nepeuvent jamais vous être ce que les vôtres me sont ; et puisque Dieu veut qu’ellessoient présentement ma seule consolation, je suis heureuse d’y être très-sensible ;mais en vérité, ma fille, il est douloureux d’en recevoir si longtemps, et cependant lavie se passe sans jouir d’une présence si chère : je ne puis m’accoutumer à cettedureté ; toutes mes pensées et toutes mes rêveries en sont noircies ; il me faudroit[1]un courage que je n’ai pas pour m’accoutumer à cette extraordinaire destinée .1675J’ai regret à tous mes jours qui s’en vont, et qui m’entraînent sans que j’aie letemps d’être avec vous ; je regrette ma vie, et je sens pourtant que je la quitteroisavec moins de peine, puisque tout est si mal rangé pour me la rendre agréable.Dans ces pensées, ma très-chère, on pleure quelquefois sans vous le dire, et jemériterai vos sermons malgré moi, plus souvent que je ne le voudrai ; car ce n’est[2]jamais volontairement que je me trouve dans ces tristes méditations : elles setrouvent tout naturellement dans mon cœur, ...
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