Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné
Lettres de Madame de Sévigné,
de sa famille et de ses amis
Hachette, 1862 (pp. 221-226).
1675
466. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
eAux Rochers, dimanche 10 novembre.
Je suis fâchée, ma bonne, je n’ai point reçu de vos lettres, cet ordinaire ; et je sens
par ce petit chagrin quelle consolation c’est que d’avoir des nouvelles d’une
personne que l’on aime beaucoup : cela rapproche ; on est occupée des pensées
que cela jette dans l’esprit ; et quoiqu’elles soient quelquefois mêlées de tristesse,
[1] [2]on l’aime bien mieux que l’ignorance. Nous avons un petit été Saint-Martin ,
froid et gaillard, que j’aime mieux que la pluie ; je suis toujours dehors faite comme
un loup-garou. Le dessus de mon humeur dépend fort du temps : de sorte que pour
savoir comme je suis, vous n’avez qu’à consulter les astres ; mais votre Provence
vous dira toujours des merveilles ; le beau temps ne vous est de rien ; vous y êtes
trop accoutumée ; pour nous, nous voyons si peu le soleil, qu’il nous fait une joie
particulière. Il y a de belles moralités à dire là-dessus ; mais c’est assez parler de la
pluie et du beau temps.
M. de Vins a été un mois à Rennes, disant tous les jours qu’il venoit ici, qu’il étoit de
mes amis, et proche parent des Grignans. M. et Mme de Chaulnes, la Marbeuf,
[3]Tonquedec, Coëtlogon , lui parloient de moi, de mes belles allées ; il prenoit leur
ton ; mais c’est ce qui s’appelle brave jusqu’au dégainer ; car il est ...
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