Charles de Saint-ÉvremondŒuvres mêléesCI. Lettre de La Fontaine à la duchesse de Bouillon, 1687.LETTRE DE LA FONTAINE À LA DUCHESSE DE BOUILLON.(1687.)Madame,Nous commençons ici de murmurer contre les Anglois, de ce qu’ils vous retiennentsi longtemps. Je suis d’avis qu’ils vous rendent à la France, avant la fin del’automne, et qu’en échange nous leur donnions deux ou trois îles dans l’Océan. S’ilne s’agissoit que de ma satisfaction, je leur céderois tout l’océan même ; maispeut-être avons-nous plus de sujet de nous plaindre de Mme votre sœur, que del’Angleterre. On ne quitte pas Mme la duchesse Mazarin comme l’on voudroit. Vousêtes toutes deux environnées de ce qui fait oublier le reste du monde, c’est-à-dired’enchantements, et de grâces de toutes sortes.Moins d’amour, de ris et de jeux,Cortége de Vénus, sollicitoient pour elle,Dans ce différend si fameux,Où l’on déclara la plus belleLa déesse des agréments.Celle aux yeux bleus, celle aux bras blancs,Furent au tribunal par Mercure conduites :Chacune étala ses talens.Si le même débat renaissoit en nos temps,Le procès aurait d’autres suites,Et vous, et votre sœur, emporteriez le prixSur les clientes de Pâris.Tous les citoyens d’AmathonteAuroient beau parler pour Cypris ;Car vous avez, selon mon compte,Plus d’amour, de jeux et de ris.Vous excellez en mille choses,Vous portez en tous lieux la joye et les plaisirs :Allez en des climats inconnus aux zéphirs,Les champs se vêtiront de roses.Mais ...
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