Charles de Saint-ÉvremondŒuvres mêléesLettre au marquis de Créqui sur la paix des Pyrénées1LETTRE AU MARQUIS DE CRÉQUI SUR LA PAIX DES PYRÉNÉES .(1659.)Je voudrois bien pouvoir satisfaire votre curiosité, tant sur les véritables motifs de lapaix, que sur tout ce qui s’est passé à la Conférence ; mais, à vous dire la vérité,vous deviez vous adresser aux confidents particuliers de Son Éminence, qu’unelongue et familière conversation avoit pleinement instruits de ses secrets. Pour moi,qui n’ai été qu’un simple spectateur, je ne vous puis donner que des conjectures etdes lumières incertaines, que je dois à ma seule pénétration. Telles qu’elles sont, jevous les expose volontiers, et vous demande, pour toute grâce, que les louanges deM. le cardinal Mazarin ne vous soient pas suspectes d’adulation : le bien que j’endis est un bien sincère, qui n’est point attiré par l’espérance des grâces, ni produitpar la gratitude des bienfaits.Comme le plus grand mérite du chrétien est de pardonner à ses ennemis, et que lechâtiment de ceux qu’on aime est l’effet de l’amitié la plus tendre, M. le cardinal apardonné aux Espagnols, pour châtier les François. En effet, les Espagnols,humiliés par tant de disgrâces, abattus par tant de pertes, dévoient attirer sacompassion et sa charité ; et les François, devenus insolents par les avantages dela guerre, méritoient d’éprouver les rigueurs salutaires de la paix. Il souvenoit à SonÉminence du beau mot de ce Castillan, qui ...
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