[1]Lettre au Journal des ÉconomistesFrédéric BastiatMon livre est entre les mains du public. Je ne crains pas qu’il se rencontre une seulepersonne qui, après l’avoir lu, dise : « Ceci est l’ouvrage d’un plagiaire. » Une lenteassimilation, fruit des méditations de toute ma vie, s’y laisse trop voir, surtout si onle rapproche de mes autres écrits.Mais qui dit assimilation, avoue qu’il n’a pas tout tiré de sa propre substance.Oh ! oui, je dois beaucoup à M. Carey ; je dois à Smith, à J. B. Say, à Comte, àDunoyer ; je dois à mes adversaires ; je dois à l’air que j’ai respiré ; je dois auxentretiens intimes d’un ami de cœur, M. Félix Coudroy, avec qui, pendant vingt ans,j’ai remué toutes ces questions dans la solitude, sans que jamais il se soitmanifesté dans nos appréciations et nos idées la moindre divergence ; phénomènebien rare dans l’histoire de l’esprit humain, et bien propre à faire goûter les délicesde la certitude.C’est dire que je ne revendique pas le titre d’inventeur à l’égard de l’harmonie. Jecrois même que c’est la marque d’un petit esprit, incapable de rattacher le présentau passé, que de se croire inventeur de principes. Les sciences ont une croissancecomme les plantes ; elles s’étendent, s’élèvent, s’épurent. Mais quel successeur nedoit rien à ses devanciers ?En particulier, l’Harmonie des intérêts ne saurait être une invention individuelle. Ehquoi ! n’est-elle pas le pressentiment et l’aspiration de l’humanité, le but de sonévolution ...
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