Le Troisième Rang du collierJudith Gautier1909Sommaire1 [I]2 [II]3 [III]4 [IV]5 [V]6 [VI][I][I-517]LE COLLIER DES JOURSTROISIÈME RANGILe train roule d'une allure paisible, comme il convient à un brave train suisse quitraverse de beaux paysages, et n'entend pas escamoter les points de vue enbrûlant la route. À chaque station, il s'arrête longuement, et repart comme en flânant.Dans le compartiment, nous sommes quelques Français très impatientés par cettelenteur. D'ordinaire pourtant, dans nos excursions, elle ne nous déplaît pas du tout,mais aujourd'hui !...Une fébrilité extrême nous agite tous impossible de rester en place ; nous passonsla tête hors des portières, à tous moments, et nos regards devancent le train.Villiers de l'Isle-Adam est parmi nous, et le plus exalté. Sa joie intérieure débordecontinuellement en un rire saccadé où s'emmêlent d'incompréhensibles phrases.Nous allons à Lucerne voir, pour la première fois, Richard Wagner !...[I-518]L'express le plus vertigineux nous semblerait lent, et cependant nous avons aussil'appréhension d'arriver, de voir le Maître, de l'entendre, de lui parler.Ce qu'était pour nous ce prodigieux génie, comment le faire comprendre à ceux quin'ont pas connu cette époque ? Un petit groupe d'apôtres et de disciples était alorsseul à soutenir le Maître contre la foule outrageante qui le méconnaissait.Aujourd'hui, où le triomphe de la cause que nous défendions a surpassé nosespoirs, il n'est pas facile de ...
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