Stéphane MallarméCorrespondance 1862-1871À Eugène Lefébure[1]Samedi [18 février 1865 ]et jours suivants.Mon bon ami,J'ai beaucoup pensé à vous ces derniers jours, au lit, où me retenait une vilaine touxcompliquée d'un ennui vulgaire et sale. J'allais presque vous écrire quand j'ai reçuvotre lettre. Je commence par y répondre, afin de causer un peu, et de vous direenfin comme j'ai goûté vos vers.Comment vous avez eu une telle tristesse ? Votre femme avait-elle été imprudente,s'était-elle fatiguée ? Un geste violent, un mouvement mal mené suffisent parfois àoccasionner de tels malheurs. Enfin, je vois que vous n'êtes plus tourmenté, et quevotre chère malade peut voyager de son lit à votre fauteuil, je me rassure. Mais,cependant, agissez sagement afin d'éviter les suites...Ici, à part moi, tout le monde va bien. Ma Marie est toujours faible cependant, et,avec la dureté allemande de sa tête, n'a pas consenti à garder le lit assezlongtemps après la naissance de Geneviève, ce dont elle se ressent par minutes.Ma fille est un merveilleux poupon qui fait les délices des commères du voisinage.Elle est fort intelligente et déclare, à grands cris, qu'elle ne lira décidément par les[2]deux Reines de Monsieur Legouvé .[3]― Les Élévations me semblent détestables : la pensée, lâche, se distend enlieux communs, et, quant à la forme, je vois des mots, des mots, mis souvent auhasard, sinistre s'y pouvant remplacer par lugubre, et lugubre par tragique, sansque le ...
Voir