Stéphane MallarméCorrespondance 1862-1871À Eugène LefébureBesançon, Lundi 27 Mai 1867 Comment allez-vous ? Mélancolique cigogne des lacs, immobiles, votre âme nese voit-elle pas apparaître, en leur miroir, avec trop d'ennui — qui, troublant de sonconfus crépuscule, le charme magique et pur, vous rappelle que c'est votre corpsqui, sur une patte, l'autre repliée malade en vos plumes, se tient, abandonnée ?Revenu au sentiment de la réalité, écoutez la voix gutturale et amie d'un autre vieuxplumage, héron et corbeau à la fois, qui s'abat près de vous. Pourvu que tout cetableau ne disparaisse pas, pour vous, dans les frissons et les rides atroces de lasouffrance ! Avant de nous laisser aller à notre murmure, vraie causerie d'oiseauxpareils aux roseaux, et mêlés à leur vague stupeur lorsque nous revenons de notrefixité sur l'étang du rêve à la vie — sur l'étang du rêve, où nous ne pêchons jamaisque notre propre image, sans songer aux écailles d'argent des poissons ! —demandons-nous cependant comment nous y sommes, dans cette vie ! Je réitèredonc ma première question, frère : « Comment êtes-vous ? Et de combien s'estavancée cette guérison ? »Je vous enverrai demain deux divins volumes de nouvelles de Madame Valmore :« Huit Femmes. » Des femmes comme elle !Le « Parnassiculet » — affreux mot ! — est épuisé, mais je saurai l'extraire, ainsique le « Nain Jaune » (et vous les envoyer) de l'effroi de des Essarts, qui doit enreceler des amas mystérieux, ...
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