Stéphane MallarméCorrespondance 1862-1871À Catulle Mendès.Tournon, Mardi matin(24 avril 1866).Mon cher Catulle,[1]Vous avez maintenant mon treizain de Poèmes , et vous me pardonnez monretard, n'est-ce-pas ? Ce serait mal à vous de ne pas le faire, car toutes cesveillées de la semaine, et les nuits des deux derniers jours ont été consacrées àrendre ces vers présentables. Vous savez combien je tiens à la justesse del'impression, et que, par conséquent, le changement d'un mot entraîne unremaniement. Or ne me fallait-il pas un jour par poème ? J'ai mis moins que cela.Songez donc ! pour évoquer les étés, les automnes, les minutes, et pour resterdans la manière de ces époques, en ne faisant que corriger ce qui, alors, commemaintenant, eût été fautif. D'autant plus que ces vers ayant surtout pour moi la valeur[2]de souvenirs , je tenais à ce que tous gardassent leur dates.J'ai quelques prières à vous faire. 1. De me dire s'il y aurait quelqu'une descorrections que vous n'aimiez pas, ― après avoir longtemps examiné sasignification, car il faut vous défier de la sensation désagréable qu'on éprouve àvoir de nouveaux mots à la place de ceux que la mémoire finissait d'avance. J'y aimoi-même été pris parfois. Toutes les substitutions ont eu leur but, relatifgénéralement à la composition, et je n'ai pas hésité à sacrifier des vers qui mesemblaient d'une jolie peinture. ― Mais quand on est seul, sans conseil ni ami,sans épreuve, on peut se tromper ! Du reste, ces ...
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