Charles de Saint-ÉvremondŒuvres mêléesSur les OpérasSUR LES OPÉRAS.1À M. le duc de Buckingham .(1677.)Il y a longtemps, mylord, que j’avois envie de vous dire mon sentiment sur lesOpéras, et de vous parler de la différence que je trouve entre la manière de chanter2des Italiens et celle des François . L’occasion que j’ai eue d’en parler, chez MmeMazarin, a plutôt augmenté que satisfait cette envie : je la contente aujourd’hui,mylord, dans le discours que je vous envoie.Je commencerai par une grande franchise, en vous disant que je n’admire pas fortles comédies en musique, telles que nous les voyons présentement. J’avoue queleur magnificence me plaît assez, que les machines ont quelque chose desurprenant, que la musique en quelques endroits est touchante, que le toutensemble paroît merveilleux ; mais il faut aussi m’avouer que ces merveillesdeviennent bientôt ennuyeuses ; car, où l’esprit a si peu à faire, c’est une nécessitéque les sens viennent à languir. Après le premier plaisir que nous donne la surprise,les yeux s’occupent et se lassent ensuite d’un continuel attachement aux objets. Aucommencement des concerts, la justesse des accords est remarquée, il n’échapperien de toutes les diversités qui s’unissent pour former la douceur de l’harmonie ;quelque temps après, les instruments nous étourdissent, la musique n’est plus auxoreilles qu’un bruit confus qui ne laisse rien distinguer. Mais qui peut résister àl’ennui du récitatif, dans une modulation ...
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