Sophocle et la philosophie du drame chez les Grecs
L.-A. Binaut
Revue des Deux Mondes
4ème série, tome 31, 1842
Sophocle et la philosophie du drame chez les Grecs
A mesure que, dans une société, ’la masse des connaissances s’ augmente, elles
se groupent d’après leurs analogies naturelles, se rangent en classifications, et
forment en quelque sorte des provinces distinctes dans le domaine de la pensée. A
mesure que chaque groupe s’enrichit, il se subdivise à son tour ; une science se
décompose en plusieurs sciences. C’est là une nécessité, une loi de l’esprit
humain, qui résulte de ce qu’une intelligence finie ne peut contenir l’universalité.
Anciennement la philosophie comprenait toutes les connaissances susceptibles
d’être réduites en système, cosmologie, astronomie, physique, médecine, morale,
politique. Quand, chacune de ces parties eut accumulé un trésor d’idées assez
considérable pour être mis en valeur à part, elles se détachèrent de la philosophie,
qui ne s’occupa plus que de l’ordre intellectuel. Cette subdivision de la science en
spécialités n’a fait que s’accroître avec les connaissances acquises ou espérées ;
elle s’accroître certainement encore ; c’est la loi de la division du travail, applicable
à la pensée aussi bien qu’à l’industrie, et à laquelle on ne pourrait se dérober sans
se condamner à l’immobilité absolue.
La poésie y échappera-t-elle plus que la science ? Non, et c’est ce que nous
voyons très bien chez les Grecs. La poésie homérique fut pour l’art ...
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