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39
EAN13
9782824712598
Licence :
Libre de droits
Langue
Français
GEORGES BERNANOS
NOU V ELLE H IST OI RE
DE MOUCH ET T E
BI BEBO O KGEORGES BERNANOS
NOU V ELLE H IST OI RE
DE MOUCH ET T E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1259-8
BI BEBO OK
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– P hilipp H. Poll
– Christian Spr emb er g
– Manfr e d KleinLicence
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.Dès les premières pages de ce récit le nom familier de Mouchee s’est
imposé à moi si naturellement qu’il m’a été dès lors impossible de le changer.
La Mouchee de la Nouv elle Histoir e n’a de commun avec celle du Soleil
de Satan que la même tragique solitude où je les ai vues toutes deux vivre et
mourir.
À l’une et à l’autre que Dieu fasse miséricorde !
G. B.
n
1Pr emièr e p artie
2 grand v ent noir qui vient de l’ ouest – le v ent des
mer s, comme dit Antoine – ép ar pille les v oix dans la nuit. IlM joue av e c elles un moment, puis les ramasse toutes ensemble
et les jee on ne sait où, en r onflant de colèr e . Celle que Mouchee vient
d’ entendr e r este longtemps susp endue entr e ciel et ter r e , ainsi que ces
feuilles mortes qui n’ en finissent p as de tomb er .
Pour mieux courir , Mouchee a quié ses g alo ches. En les r emeant,
elle se tr omp e de pie d. T ant pis ! Ce sont les g alo ches d’Eugène , si lar g es
qu’ entr e la tig e elle p eut p asser les cinq doigts de sa p etite main.
L’avantag e est qu’ en s’appliquant à les balancer au b out des orteils ainsi qu’une
p air e d’énor mes castagnees, elles font à chaque p as sur le macadam du
pré au un br uit qui met Madame l’institutrice hor s d’ elle-même .
Mouchee se glisse jusqu’à la crête du talus et r este là en obser
vation, le dos contr e la haie r uisselante . D e cet obser vatoir e , l’é cole p araît
toute pr o che encor e , mais le pré au est maintenant désert. Après la ré cré
ation, chaque same di, les classes se rassemblent dans la salle d’honneur
or né e d’un buste de la République , d’un vieux p ortrait jamais r emplacé
de M. Ar mand Fallièr es, et du drap e au de la So ciété de g y mnastique , r oulé
dans sa g aine de toile ciré e . Madame doit lir e en ce moment les notes de la
3Nouv elle histoir e de Mouchee Chapitr e
semaine , puis l’ on rép étera une fois de plus la cantate qui doit êtr e l’une
des solennités de la lointaine distribution des prix. – Ah ! si lointaine en
ce mar s désolé ! V oici qu’ elle r e connaît la str ophe familièr e , le « P lus d’
esp oir ! » que Madame jee av e c un ter rible rictus de sa b ouche mince et
un mouv ement de tête si lent que son p eigne lui tomb e dans le cou. . .
Espérez !. . . Plus d’espoir !
Trois jours, leur dit Colomb, et je vous dô. . .o. . .nne
( un monde.
Et son doigt le montrait, et son œil pour le voir
Scrutait de l’hô. . .o.o.rizon l’i. . .mmen-si. . .té prôo. . .
( fonde. . .
D er rièr e les vitr es tr oubles, Mouchee distingue à p eine les têtes
gr oup é es p ar deux ou p ar tr ois autour des p artitions, mais la haute
silhouee de Madame , p er ché e sur l’ estrade , se détache en noir sur les mur s
rip olinés. Le bras maigr e se lè v e et s’abaisse en mesur e , p arfois r este
tendu, menaçant, dominateur , tandis que les v oix s’ap aisent lentement,
ont l’air de se coucher aux pie ds de la dompteuse ainsi que des bêtes
dociles.
A u témoignag e de sa maîtr esse , Mouchee n’a « aucune disp osition
p our le chant ». La vérité est qu’ elle le hait. Elle hait d’ailleur s toute
musique d’une haine far ouche , ine xplicable . Sitôt que se p osent sur les
touches du g eignant har monium les longs doigts de Madame , défor més
p ar les rhumatismes, sa faible p oitrine se ser r e si doulour eusement que
les lar mes lui viennent aux y eux. elles lar mes ? On dirait que ce sont
des lar mes de honte . Chaque note est comme un mot qui la blesse au plus
pr ofond de l’âme , un de ces mots lourds que les g ar çons lui jeent en p
assant, à v oix basse , qu’ elle feint de ne p as entendr e , mais qu’ elle emp orte
p arfois av e c elle jusqu’au soir , qui ont l’air de coller à la p e au.
Un jour , blême de rag e , elle a v oulu liv r er à Madame le se cr et de sa
répugnance insur montable , mais elle n’a réussi qu’à balbutier quelques
e xplications ridicules où le mot dég oût r e v enait sans cesse . « La musique
me dég oûte . » « V ous n’êtes qu’une p etite barbar e , rép était Madame av e c
accablement, une v raie barbar e . Et encor e les barbar es ont une musique !
Une musique barbar e natur ellement, mais une musique . La musique p
artout pré cède la science . » L’institutrice n’ en a p as moins r enoncé à lui
4Nouv elle histoir e de Mouchee Chapitr e
enseigner le solèg e , elle p erdait tr op de temps, de v enait folle . Car
Mouchee qui s’ obstine , on ne sait p our quoi, « à p arler de la g or g e », au p oint
d’ e x ag ér er encor e l’affr eux accent picard, p ossède – au dir e de Madame –
une v oix char mante , un filet de v oix plutôt, si fragile qu’ on cr oit toujour s
qu’il va se briser – et qui ne se brise jamais. Malheur eusement, depuis
qu’ elle vient d’aeindr e cee quator zième anné e qui fait d’ elle la do y enne
de l’é cole , Mouchee s’ est mise à chanter aussi « de la g or g e », lor squ’ elle
chante . D’ ordinair e , elle se contente d’ ouv rir la b ouche sans pr ofér er
aucun son, dans l’ esp oir de tr omp er l’ or eille infaillible de la maîtr esse . Il
ar riv e que Madame , furieuse , dégring olant tout à coup de l’ estrade ,
entraîne la r eb elle jusqu’à l’har monium, courb e des deux mains la p etite tête
jusqu’au clavier .
Parfois, Mouchee résiste . Parfois, elle demande grâce , crie qu’ elle va
essay er . Alor s l’institutrice s’installe , tir e de l’insupp ortable instr ument
une espè ce de plainte mugissante sur laquelle oscille v ertigineusement la
v oix limpide , miraculeusement r etr ouvé e , p ar eille à une bar que
minuscule à la crête d’une montagne d’é cume .
D’ab ord, Mouchee ne r e connaît p as sa pr opr e v oix : elle