202
pages
Français
Documents
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres
202
pages
Français
Documents
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres
P I ERRE LO T I
MAD AME
CH RYSAN T H ÈME
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
MAD AME
CH RYSAN T H ÈME
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1105-8
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
Except where otherwise noted, this work is licensed under
h tt p : / / c r e a ti v e c o m m on s . or g / l i c e n s e s / b y - s a / 3 . 0 /
Lir e la licence
Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.MAD AME LA DUCH ESSE DE RICH ELI EU
MAD AME LA ESSE,A
V euillez agré er ce liv r e comme un hommag e de très r esp e ctueuse
amitié .
J’hésitais à v ous l’ offrir , p ar ce que la donné e n’ en est p as bien
corr e cte ; mais j’ai v eillé à ce que l’ e xpr ession ne fût jamais de mauvais aloi
et j’ espèr e y êtr e p ar v enu.
C’ est le jour nal d’un été de ma vie , auquel je n’ai rien chang é , p as
même les dates : je tr ouv e que , quand on ar rang e les choses, on les
dérang e toujour s b e aucoup . Bien que le rôle le plus long soit en app ar ence
à madame Chr y santhème , il est bien certain que les tr ois princip aux p
ersonnag es sont Moi, le Japon et l’ Effet que ce p ay s m’a pr o duit.
V ous rapp elez-v ous une photographie — assez comique , j’ en conviens,
— r eprésentant le grand Y v es, une jap onaise et moi, alignés sur une même
carte d’après les indications d’un artiste de Nag asaki ? — V ous av ez souri
quand je v ous ai affir mé que cee p etite p er sonne , entr e nous deux, si
soigneusement p eigné e , avait été une de mes voisines. V euillez r e ce v oir
mon liv r e av e c ce même sourir e indulg ent, sans y cher cher aucune p orté e
1Madame Chr y santhème Chapitr e
morale dang er euse ou b onne , — comme v ous r e ce v riez une p otiche drôle ,
un mag ot d’iv oir e , un bib elot saugr enu quelconque rapp orté p our v ous
de cee étonnante p atrie de toutes les saugr enuités.
A v e c un grand r esp e ct, madame la duchesse ,
V otr e affe ctionné
P I ERRE LO T I
n
2A V AN T -P ROPOS
, envir ons de deux heur es du matin, p ar une nuit
calme , sous un ciel plein d’étoiles.E Y v es se tenait sur la p asser elle auprès de moi, et nous causions
du p ay s, absolument nouv e au p our nous deux, où nous conduisaient cee
fois les hasards de notr e destiné e . C’était le lendemain que nous de vions
aer rir ; cee aente nous amusait et nous for mions mille pr ojets.
― Moi, disais-je , aussitôt ar rivé , je me marie . . .
― Ah ! fit Y v es, de son air détaché , en homme que rien ne sur pr end
plus.
― Oui. . . av e c une p etite femme à p e au jaune , à che v eux noir s, à y eux
de chat. — Je la choisirai jolie . — Elle ne sera p as plus haute qu’une p oup é e .
— T u auras ta chambr e chez nous. — Ça se p assera dans une maison de
p apier , bien à l’ ombr e , au milieu des jardins v erts. — Je v eux que tout soit
fleuri alentour ; nous habiter ons au milieu des fleur s, et chaque matin on
r emplira notr e logis de b ouquets, de b ouquets comme jamais tu n’ en as
v u. . .
Y v es semblait maintenant pr endr e intérêt à ces pr ojets de ménag e . Il
m’ eût d’ailleur s é couté av e c autant de confiance , si je lui avais manifesté
l’intention de pr ononcer des v œux temp orair es chez des moines de ce
3Madame Chr y santhème Chapitr e
p ay s, ou bien d’ép ouser quelque r eine des îles et de m’ enfer mer av e c elle ,
au milieu d’un lac enchanté , dans une maison de jade .
Mais c’était ré ellement bien ar rêté dans ma tête , ce plan d’ e xistence
que je lui e xp osais là . Par ennui, mon Dieu, p ar solitude , j’ en étais v enu
p eu à p eu à imaginer et à désir er ce mariag e . — Et puis surtout, viv r e un
p eu à terre, en un r e coin ombr eux, p ar mi les arbr es et les fleur s, comme
cela était tentant, après ces mois de notr e e xistence que nous v enions de
p erdr e aux Pescador es ( qui sont des îles chaudes et sinistr es, sans v erdur e ,
sans b ois, sans r uisse aux, ayant l’ o deur de la Chine et de la mort).
Nous avions fait b e aucoup de chemin en latitude , depuis que notr e
navir e était sorti de cee four naise chinoise , et les constellations de notr e
ciel avaient rapidement chang é : la Cr oix du Sud disp ar ue av e c les autr es
étoiles australes, la Grande-Our se était r emonté e v er s le zénith et se
tenait maintenant pr esque aussi haut que dans le ciel de France . D éjà l’air
plus frais qu’ on r espirait cee nuit-là nous r ep osait, nous vivifiait
délicieusement, — nous rapp elait nos nuits de quart d’autr efois, l’été sur les
côtes br etonnes. . .
Et p ourtant, à quelle distance nous en étions, de ces côtes familièr es,
à quelle distance effr o yable !. . .
n
4CHAP I T RE I
naissant, nous ap er çûmes le Jap on.
Juste à l’heur e pré v ue , il app ar ut, encor e lointain, en un p ointA pré cis de cee mer qui, p endant tant de jour s, avait été l’étendue
vide .
Ce ne fut d’ab ord qu’une série de p etits sommets r oses ( l’ar chip el avancé
des Fuk aï, au soleil le vant). Mais der rièr e , tout le long de l’horizon, on vit
bientôt comme une lourdeur en l’air , comme un v oile p esant sur les e aux :
c’était cela, le v rai Jap on, et p eu à p eu, dans cee sorte de grande nué e
confuse , se dé coupèr ent des silhouees tout à fait op aques qui étaient les
montagnes de Nag asaki.
Nous avions v ent deb out, une brise fraîche qui augmentait toujour s,
comme si ce p ay s eût soufflé de toutes ses for ces contr e nous p our nous
éloigner de lui. — La mer , les cordag es, le navir e , étaient agités et br
uissants.
5Madame Chr y santhème Chapitr e I
n
6CHAP I T RE I I
du soir , toutes ces choses lointaines s’étaient
rappr o ché es, rappr o ché es jusqu’à nous sur plomb er de leur sV masses r o cheuses ou de leur s fouillis de v erdur e .
Et nous entrions maintenant dans une espè ce de couloir ombr eux, entr e
deux rang é es de très hautes montagnes, qui se succé daient av e c une
bizarr erie sy métrique — comme les « p ortants » d’un dé cor tout en pr ofondeur ,
e xtrêmement b e au, mais p as assez natur el. — On eût dit que ce Jap on s’
ouv rait de vant nous, en une dé chir ur e enchanté e , p our nous laisser p énétr er
dans son cœur même .
A u b out de cee baie longue et étrang e , il de vait y av oir Nag asaki
qu’ on ne v o yait p as encor e . T out était admirablement v ert. La grande brise
du lar g e , br usquement tombé e , avait fait place au calme ; l’air , de v enu très
chaud, se r emplissait de p arfums de fleur s. Et, dans cee vallé e , il se
faisait une étonnante musique de cig ales ; elles se rép ondaient d’une riv e à
l’autr e ; toutes ces montagnes résonnaient de leur s br uissements
innom7