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ÉMI LE ZOLA
LET T RE À LA
JEU N ESSE
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
LET T RE À LA
JEU N ESSE
1897
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1173-7
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok. , g ens, où allez-v ous, étudiants, qui cour ez
en bandes p ar les r ues, manifestant au nom de v os colèr es et deO v os enthousiasmes, épr ouvant l’imp érieux b esoin de jeter
publiquement le cri de v os consciences indigné es ?
Allez-v ous pr otester contr e quelque abus du p ouv oir , a-t-on offensé
le b esoin de vérité et d’é quité , brûlant encor e dans v os âmes neuv es,
ignorantes des accommo dements p olitiques et des lâchetés quotidiennes de la
vie ?
Allez-v ous r e dr esser un tort so cial, mer e la pr otestation de v otr e
vibrante jeunesse dans la balance inég ale , où sont si faussement p esés le
sort des heur eux et celui des déshérités de ce monde ?
Allez-v ous, p our affir mer la tolérance , l’indép endance de la raison
humaine , siffler quelque se ctair e de l’intellig ence , à la cer v elle étr oite , qui
aura v oulu ramener v os esprits libérés à l’ er r eur ancienne , en pr o clamant
la banquer oute de la science ?
Allez-v ous crier , sous la fenêtr e de quelque p er sonnag e fuyant et
hyp o crite , v otr e foi invincible en l’av enir , en ce siè cle pr o chain que v ous
app ortez et qui doit ré aliser la p aix du monde , au nom de la justice et de
l’amour ?
1Ler e à la jeunesse Chapitr e
― Non, non ! nous allons huer un homme , un vieillard, qui, après une
longue vie de travail et de lo yauté , s’ est imaginé qu’il p ouvait
impunément soutenir une cause g énér euse , v ouloir que la lumièr e se fasse et
qu’une er r eur soit rép aré e , p our l’honneur même de la p atrie française !
††
Ah ! quand j’étais jeune moi-même , je l’ai v u, le artier Latin, tout
frémissant des fièr es p assions de la jeunesse , l’amour de la lib erté , la haine
de la for ce br utale , qui é crase les cer v e aux et comprime les âmes. Je l’ai
v u, sous l’Empir e , faisant son œuv r e brav e d’ opp osition, injuste même
p arfois, mais toujour s dans un e x cès de libr e émancip ation humaine . Il
sifflait les auteur s agré ables aux T uileries, il malmenait les pr ofesseur s
dont l’ enseignement lui semblait louche , il se le vait contr e quiconque se
montrait p our les ténèbr es et p our la ty rannie . En lui brûlait le fo y er
sacré de la b elle folie des vingt ans, lor sque toutes les esp érances sont des
ré alités, et que demain app araît comme le sûr triomphe de la Cité p arfaite .
Et, si l’ on r emontait plus haut, dans cee histoir e des p assions nobles,
qui ont soule vé la jeunesse des Écoles, toujour s on la v er rait s’indigner
sous l’injustice , frémir et se le v er p our les humbles, les abandonnés, les
p er sé cutés, contr e les fér o ces et les puissants. Elle a manifesté en fav eur
des p euples opprimés, elle a été p our la Pologne , p our la Grè ce , elle a
pris la défense de tous ceux qui souffraient, qui ag onisaient sous la br
utalité d’une foule ou d’un desp ote . and on disait que le artier Latin
s’ embrasait, on p ouvait êtr e certain qu’il y avait der rièr e quelque flambé e
de juvénile justice , insoucieuse des ménag ements, faisant d’ enthousiasme
une œuv r e du cœur . Et quelle sp ontanéité alor s, quel fleuv e déb ordé
coulant p ar les r ues !
Je sais bien qu’aujourd’hui encor e le préte xte est la p atrie menacé e , la
France liv ré e à l’ ennemi vainqueur , p ar une bande de traîtr es. Seulement,
je le demande , où tr ouv era-t-on la clair e intuition des choses, la
sensation instinctiv e de ce qui est v rai, de ce qui est juste , si ce n’ est dans ces
âmes neuv es, dans ces jeunes g ens qui naissent à la vie publique , dont rien
encor e ne de v rait obscur cir la raison dr oite et b onne ? e les hommes
p olitiques, gâtés p ar des anné es d’intrigues, que les jour nalistes, désé
quilibrés p ar toutes les compr omissions du métier , puissent accepter les plus
impudents mensong es, se b oucher les y eux à d’av euglantes clartés, cela
2Ler e à la jeunesse Chapitr e
s’ e xplique , se compr end. Mais elle , la jeunesse , elle est donc bien g angr
ené e déjà , p our que sa pur eté , sa candeur natur elle , ne se r e connaisse p as
d’un coup au milieu des inacceptables er r eur s, et n’aille p as tout dr oit à
ce qui est é vident, à ce qui est limpide , d’une lumièr e honnête de plein
jour !
Il n’ est p as d’histoir e plus simple . Un officier a été condamné , et p
ersonne ne song e à susp e cter la b onne foi des jug es. Ils ( Il) l’ ont frapp é selon
leur conscience , sur des pr euv es qu’ils ont cr u certaines. Puis, un jour , il
ar riv e qu’un homme , que plusieur s hommes ont des doutes, finissent p ar
êtr e convaincus qu’une des pr euv es, la plus imp ortante , la seule du moins
sur laquelle les jug es se sont publiquement appuyés, a été faussement
attribué e au condamné , que cee piè ce est à n’ en p as douter de la main d’un
autr e . Et ils le disent, et cet autr e est dénoncé p ar le frèr e du prisonnier ,
dont le strict de v oir était de le fair e ; et v oilà , for cément, qu’un nouv e au
pr o cès commence , de vant amener la ré vision (r e vision) du pr emier pr
ocès, s’il y a condamnation. Est-ce que tout cela n’ est p as p arfaitement
clair , juste et raisonnable ? Où y a-t-il, là-de dans, une machination, un
noir complot p our sauv er un traîtr e ? Le traîtr e , on ne le nie p as, on v eut
seulement que ce soit un coup able et non un inno cent qui e xpie le crime .
V ous l’aur ez toujour s, v otr e traîtr e , et il ne s’agit que de v ous en donner
un authentique .
Un p eu de b on sens ne de v rait-il p as suffir e ? A quel mobile obéiraient
donc les hommes qui p our suiv ent la ré vision (r e vision) du pr o cès Dr e
yfus ? Écartez l’imbé cile antisémitisme , dont la monomanie fér o ce v oit là
un complot juif, l’ or juif s’ effor çant de r emplacer un juif p ar un chrétien,
dans la g eôle infâme . Cela ne tient p as deb out, les inv raisemblances et les
imp ossibilités cr oulent les unes sur les autr es, tout l’ or de la ter r e
n’achèterait p as certaines consciences. Et il faut bien en ar riv er à la ré alité , qui
est l’ e xp ansion natur elle , lente , invincible de toute er r eur judiciair e .
L’histoir e est là . Une er r eur judiciair e est une for ce en mar che : des hommes
de conscience sont conquis, sont hantés, se dé v ouent de plus en plus
obstinément, risquent leur fortune et leur vie , jusqu’à ce que justice soit faite .
Et il n’y a p as d’autr e e xplication p ossible à ce qui se p asse aujourd’hui, le
r este n’ est qu’ab ominables p assions p olitiques et r eligieuses, que tor r ent
déb ordé de calomnies et d’injur es.
3Ler e à la jeunesse Chapitr e
Mais quelle e x cuse aurait la jeunesse , si les idé es d’humanité et de
justice se tr ouvaient obscur cies un instant en elle ! D ans la sé ance du
4 dé cembr e , une Chambr e française s’ est couv erte de honte , en v otant
un ordr e du jour « flétrissant les meneu