502
pages
Français
Documents
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres
502
pages
Français
Documents
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres
V ICT OR H UGO
LES T RA V AI LLEU RS DE
LA MER
BI BEBO O KV ICT OR H UGO
LES T RA V AI LLEU RS DE
LA MER
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1074-7
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
Except where otherwise noted, this work is licensed under
h tt p : / / c r e a ti v e c o m m on s . or g / l i c e n s e s / b y - s a / 3 . 0 /
Lir e la licence
Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok. liv r e au r o cher d’hospitalité et de lib erté , à ce coin de
vieille ter r e nor mande où vit le noble p etit p euple de la mer , à l’îleJ de Guer nese y , sé vèr e et douce , mon asile actuel, mon tomb e au
pr obable .
V . H.
La r eligion, la so ciété , la natur e ; telles sont les tr ois lues de l’homme .
Ces tr ois lues sont en même temps ses tr ois b esoins ; il faut qu’il cr oie ,
de là le temple ; il faut qu’il cré e , de là la cité ; il faut qu’il viv e , de là la
char r ue et le navir e . Mais ces tr ois solutions contiennent tr ois guer r es. La
my stérieuse difficulté de la vie sort de toutes les tr ois. L’homme a affair e
à l’ obstacle sous la for me sup er stition, sous la for me préjug é , et sous la
for me élément. Un triple anankè pèse sur nous, l’anankè des dogmes,
l’anankè des lois, l’anankè des choses. D ans Notre-Dame de Paris, l’auteur a
dénoncé le pr emier ; dans les Misérables , il a signalé le se cond ; dans ce
liv r e , il indique le tr oisième .
A ces tr ois fatalités qui env elopp ent l’homme se mêle la fatalité
intérieur e , l’anankè suprême , le cœur humain.
Haute ville-House , mar s 1866.
1Les travailleur s de la mer Chapitr e
n
2I
P REMI ÈRE P ART I E
3I
LI V RE P REMI ER
DE QUOI SE COMPOSE
U N E MA U V AISE
RÉP U T A T ION
4CHAP I T RE I
U N MO T ÉCRI T SU R U N E
P A GE BLANCH E
C 182. . . fut r emar quable à Guer nese y . Il neig e a ce
jour-là . D ans les îles de la Manche , un hiv er où il gèle à glaceL est mémorable , et la neig e fait é vénement.
Le matin de cee Christmas, la r oute qui long e la mer de Saint-Pier r e-Port
au V alle était toute blanche . Il avait neig é depuis minuit jusqu’à l’aub e .
V er s neuf heur es, p eu après le le v er du soleil, comme ce n’était p as encor e
le moment p our les anglicans d’aller à l’église de Saint-Sampson et p our
les w esle y ens d’aller à la chap elle Eldad, le chemin était à p eu près désert.
D ans tout le tr onçon de r oute qui sép ar e la pr emièr e tour de la se conde
tour , il n’y avait que tr ois p assants, un enfant, un homme et une femme .
Ces tr ois p assants, mar chant à distance les uns des autr es, n’avaient
visiblement aucun lien entr e eux. L’ enfant, d’une huitaine d’anné es, s’était
ar rêté , et r eg ardait la neig e av e c curiosité . L’homme v enait der rièr e la
5Les travailleur s de la mer Chapitr e I
femme , à une centaine de p as d’inter valle . Il allait comme elle du côté de
Saint-Sampson. L’homme , jeune encor e , semblait quelque chose comme
un ouv rier ou un matelot. Il avait ses habits de tous les jour s, une
var euse de gr os drap br un, et un p antalon à jambièr es g oudr onné es, ce qui
p araissait indiquer qu’ en dépit de la fête il n’irait à aucune chap elle . Ses
ép ais soulier s de cuir br ut, aux semelles g ar nies de gr os clous, laissaient
sur la neig e une empr einte plus r essemblante à une ser r ur e de prison
qu’à un pie d d’homme . La p assante , elle , avait é videmment déjà sa
toilee d’église ; elle p ortait une lar g e mante ouaté e de soie noir e à faille ,
sous laquelle elle était fort co queement ajusté e d’une r ob e de p op eline
d’Irlande à bandes alter né es blanches et r oses, et, si elle n’ eût eu des bas
r oug es, on eût pu la pr endr e p our une p arisienne . Elle allait de vant elle
av e c une vivacité libr e et légèr e , et, à cee mar che qui n’a encor e rien
p orté de la vie , on de vinait une jeune fille . Elle avait cee grâce fugitiv e
de l’allur e qui mar que la plus délicate des transitions, l’adolescence , les
deux crépuscules mêlés, le commencement d’une femme dans la fin d’un
enfant. L’homme ne la r emar quait p as.
T out à coup , près d’un b ouquet de chênes v erts qui est à l’angle d’un
courtil, au lieu dit les Basses-Maisons, elle se r etour na, et ce mouv ement
fit que l’homme la r eg arda. Elle s’ar rêta, p ar ut le considér er un moment,
puis se baissa, et l’homme cr ut v oir qu’ elle é crivait av e c son doigt quelque
chose sur la neig e . Elle se r e dr essa, se r emit en mar che , doubla le p as, se
r etour na encor e , cee fois en riant, et disp ar ut à g auche du chemin, dans
le sentier b ordé de haies qui mène au châte au de Lier r e . L’homme , quand
elle se r etour na p our la se conde fois, r e connut D ér uchee , une ravissante
fille du p ay s.
Il n’épr ouva aucun b esoin de se hâter , et, quelques instants après, il se
tr ouva près du b ouquet de chênes à l’angle du courtil. Il ne song e ait déjà
plus à la p assante disp ar ue , et il est pr obable que si, en cee minute-là ,
quelque mar souin eût sauté dans la mer ou quelque r oug e-g or g e dans les
buissons, cet homme eût p assé son chemin, l’ œil fix é sur le r oug e-g or g e
ou le mar souin. Le hasard fit qu’il avait les p aupièr es baissé es, son r eg ard
tomba machinalement sur l’ endr oit où la jeune fille s’était ar rêté e . D eux
p etits pie ds s’y étaient imprimés, et à côté il lut ce mot tracé p ar elle dans
la neig e : Gillia.
6Les travailleur s de la mer Chapitr e I
Ce mot était son nom.
Il s’app elait Gillia.
Il r esta longtemps immobile , r eg ardant ce nom, ces p etits pie ds, cee
neig e , puis continua sa r oute , p ensif.
n
7