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V ICT OR H UGO
LES MISÉRABLES
T ome 5
Je an V alje an
BI BEBO O KV ICT OR H UGO
LES MISÉRABLES
T ome 5
Je an V alje an
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1078-5
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.T OME 5
JEAN V ALJEAN
1liv r e I
LA GU ERRE EN T RE
QU A T RE MU RS
2CHAP I T RE I
LA CHARY BDE DU
F A U BOU RG SAI N T - AN T OI N E
ET LA SCY LLA DU
F A U BOU RG DU T EMP LE
mémorables bar ricades que l’ obser vateur des
maladies so ciales puisse mentionner n’app artiennent p oint à la p é-L rio de où est placé e l’action de ce liv r e . Ces deux bar ricades,
sy mb oles toutes les deux, sous deux asp e cts différ ents, d’une situation
r e doutable , sortir ent de ter r e lor s de la fatale insur r e ction de juin 1848, la
plus grande guer r e des r ues qu’ait v ue l’histoir e .
Il ar riv e quelquefois que , même contr e les princip es, même contr e
la lib erté , l’ég alité et la frater nité , même contr e le v ote univ er sel, même
contr e le g ouv er nement de tous p ar tous, du fond de ses ang oisses, de ses
3Les Misérables Chapitr e I
dé courag ements, de ses dénûments, de ses fiè v r es, de ses détr esses, de ses
miasmes, de ses ignorances, de ses ténèbr es, cee grande désesp éré e , la
canaille , pr oteste , et que la p opulace liv r e bataille au p euple .
Les gueux aaquent le dr oit commun ; l’ o chlo cratie s’insur g e contr e
le démos.
Ce sont là des jour né es lugubr es ; car il y a toujour s une certaine
quantité de dr oit même dans cee démence , il y a du suicide dans ce
duel, et ces mots, qui v eulent êtr e des injur es, gueux, canailles, o
chlocratie , p opulace , constatent, hélas ! plutôt la faute de ceux qui règnent
que la faute de ceux qui souffr ent ; la faute des privilégiés que la
faute des déshérités.
ant à nous, ces mots-là , nous ne les pr ononçons jamais sans
douleur et sans r esp e ct, car , lor sque la philosophie sonde les faits aux quels
ils cor r esp ondent, elle y tr ouv e souv ent bien des grandeur s à côté des
misèr es. Athènes était une o chlo cratie ; les gueux ont fait la Hollande ; la
p opulace a plus d’une fois sauvé Rome ; et la canaille suivait Jésus-Christ.
Il n’ est p as de p enseur qui n’ait p arfois contemplé les magnificences
d’ en bas.
C’ est à cee canaille que song e ait sans doute saint Jérôme , et à tous
ces p auv r es g ens, et à tous ces vag ab onds, et à tous ces misérables d’ où
sont sortis les apôtr es et les marty r s, quand il disait cee p ar ole my
stérieuse : Fex urbis, lex orbis.
Les e x asp érations de cee foule qui souffr e et qui saigne , ses violences
à contr e-sens sur les princip es qui sont sa vie , ses v oies de fait contr e le
dr oit, sont des coups d’état p opulair e , et doiv ent êtr e réprimés. L’homme
pr ob e s’y dé v oue , et, p ar amour même p our cee foule , il la combat. Mais
comme il la sent e x cusable tout en lui tenant tête ! comme il la vénèr e
tout en lui résistant ! C’ est là un de ces moments rar es où, en faisant ce
qu’ on doit fair e , on sent quelque chose qui dé concerte et qui dé
conseillerait pr esque d’aller plus loin ; on p er siste , il le faut ; mais la conscience
satisfaite est triste , et l’accomplissement du de v oir se complique d’un
serr ement de cœur .
Juin 1848 fut, hâtons-nous de le dir e , un fait à p art, et pr esque imp
ossible à classer dans la philosophie de l’histoir e . T ous les mots que nous
v enons de pr ononcer doiv ent êtr e é cartés quand il s’agit de cee émeute
4Les Misérables Chapitr e I
e xtraordinair e où l’ on sentit la sainte anxiété du travail ré clamant ses
dr oits. Il fallut la combar e , et c’était le de v oir , car elle aaquait la
république . Mais, au fond, que fut juin 1848 ? Une ré v olte du p euple contr e
lui-même .
Là où le sujet n’ est p oint p erdu de v ue , il n’y a p oint de digr ession ;
qu’il nous soit donc p er mis d’ar rêter un moment l’aention du le cteur
sur les deux bar ricades absolument uniques dont nous v enons de p arler
et qui ont caractérisé cee insur r e ction.
L’une encombrait l’ entré e du faub our g Saint- Antoine ; l’autr e
défendait l’appr o che du faub our g du T emple ; ceux de vant qui se sont dr essés,
sous l’é clatant ciel bleu de juin, ces deux effrayants chefs-d’ œuv r e de la
guer r e civile , ne les oublier ont jamais.
La bar ricade Saint- Antoine était monstr ueuse ; elle était haute de tr ois
étag es et lar g e de sept cents pie ds. Elle bar rait d’un angle à l’autr e la
vaste emb ouchur e du faub our g, c’ est-à-dir e tr ois r ues ; raviné e , dé
chiqueté e , dentelé e , haché e , crénelé e d’une immense dé chir ur e , contr e-buté e de
monce aux qui étaient eux-mêmes des bastions, p oussant des caps çà et
là , puissamment adossé e aux deux grands pr omontoir es de maisons du
faub our g, elle sur gissait comme une le vé e cy clop é enne au fond de la r
edoutable place qui a v u le 14 juillet. Dix-neuf bar ricades s’étag e aient dans
la pr ofondeur des r ues der rièr e cee bar ricade mèr e . Rien qu’à la v oir ,
on sentait dans le faub our g l’immense souffrance ag onisante , ar rivé e à
cee minute e xtrême où une détr esse v eut de v enir une catastr ophe . D e
quoi était faite cee bar ricade ? D e l’é cr oulement de tr ois maisons à six
étag es, démolies e xprès, disaient les uns. Du pr o dig e de toutes les colèr es,
disaient les autr es. Elle avait l’asp e ct lamentable de toutes les constr
uctions de la haine , la r uine . On p ouvait dir e : qui a bâti cela ? On p ouvait
dir e aussi : qui a détr uit cela ? C’était l’impr o visation du b ouillonnement.
Tiens ! cee p orte ! cee grille ! cet auv ent ! ce chambranle ! ce ré chaud
brisé ! cee mar mite fêlé e ! D onnez tout ! jetez tout ! p oussez, r oulez,
pio chez, démantelez, b oule v er sez, é cr oulez tout ! C’était la collab oration
du p avé , du mo ellon, de la p outr e , de la bar r e de fer , du chiffon, du
carr e au défoncé , de la chaise dép aillé e , du tr ognon de chou, de la lo que , de
la guenille et de la malé diction. C’était grand et c’était p etit. C’était
l’abîme p ar o dié sur place p ar le tohu-b ohu. La masse près de l’atome ; le p an
5Les Misérables Chapitr e I
de mur ar raché et l’é cuelle cassé e ; une frater nisation menaçante de tous
les débris ; Sisy phe avait jeté là son r o cher et Job son tesson. En somme ,
ter rible . C’était l’acr op ole des va-nu-pie ds. D es char r ees r env er sé es
accidentaient le talus ; un immense haquet y était étalé , en trav er s, l’ essieu
v er s le ciel, et semblait une balafr e sur cee façade tumultueuse ; un
omnibus, hissé g aîment à for ce de bras tout au sommet de l’ entassement,
comme si les ar chite ctes de cee sauvag erie eussent v oulu ajouter la g
aminerie à l’ép ouvante , offrait son timon dételé à on ne sait quels che vaux
de l’air . Cet amas gig antes