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V ICT OR H UGO
LES MISÉRABLES
BI BEBO O KV ICT OR H UGO
LES MISÉRABLES
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1080-8
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok. ’ , p ar le fait des lois et des mœur s, une
damnation so ciale cré ant artificiellement, en pleine civilisation, desT enfer s, et compliquant d’une fatalité humaine la destiné e qui est
divine ; tant que les tr ois pr oblèmes du siè cle , la dégradation de l’homme
p ar le pr olétariat, la dé ché ance de la femme p ar la faim, l’atr ophie de l’
enfant p ar la nuit, ne ser ont p as résolus ; tant que , dans de certaines régions,
l’asphy xie so ciale sera p ossible ; en d’autr es ter mes, et à un p oint de v ue
plus étendu encor e , tant qu’il y aura sur la ter r e ignorance et misèr e , des
liv r es de la natur e de celui-ci p our r ont ne p as êtr e inutiles.
Haute ville-House , 1862.
n
1I
P REMI ÈRE P ART I E
F AN T I N E
2I
LI V RE P REMI ER
U N JUST E
3CHAP I T RE I
M. MY RI EL
1815, M. Charles-François-Bienv enu My riel était é vê que de
Digne . C’était un vieillard d’ envir on soix ante-quinze ans ; il o c-E cup ait le sièg e de Digne depuis 1806.
oique ce détail ne touche en aucune manièr e au fond même de ce que
nous av ons à raconter , il n’ est p eut-êtr e p as inutile , ne fût-ce que p our
êtr e e x act en tout, d’indiquer ici les br uits et les pr op os qui avaient cour u
sur son compte au moment où il était ar rivé dans le dio cèse . V rai ou faux,
ce qu’ on dit des hommes tient souv ent autant de place dans leur vie et
surtout dans leur destiné e que ce qu’ils font. M. My riel était fils d’un
conseiller au p arlement d’ Aix ; noblesse de r ob e . On contait que son pèr e ,
le réser vant p our hériter de sa char g e , l’avait marié de fort b onne heur e ,
à dix-huit ou vingt ans, suivant un usag e assez rép andu dans les familles
p arlementair es. Charles My riel, nonobstant ce mariag e , avait, disait-on,
b e aucoup fait p arler de lui. Il était bien fait de sa p er sonne , quoique
d’assez p etite taille , élég ant, gracieux, spirituel ; toute la pr emièr e p artie de
4Les Misérables Chapitr e I
sa vie avait été donné e au monde et aux g alanteries.
La ré v olution sur vint, les é vénements se pré cipitèr ent, les familles
p arlementair es dé cimé es, chassé es, traqué es, se disp er sèr ent. M. Charles
My riel, dès les p r emier s jour s de la ré v olution, émigra en Italie . Sa femme
y mour ut d’une maladie de p oitrine dont elle était aeinte depuis
longtemps. Ils n’avaient p oint d’ enfants. e se p assa-t-il ensuite dans la
destiné e de M. My riel ? L’é cr oulement de l’ancienne so ciété française , la
chute de sa pr opr e famille , les tragiques sp e ctacles de 93, plus effrayants
encor e p eut-êtr e p our les émigrés qui les v o yaient de loin av e c le gr
ossissement de l’ép ouvante , fir ent-ils g er mer en lui des idé es de r enoncement
et de solitude ? Fut-il, au milieu d’une de ces distractions et de ces affe
ctions qui o ccup aient sa vie , subitement aeint d’un de ces coups my
stérieux et ter ribles qui viennent quelquefois r env er ser , en le frapp ant au
cœur , l’homme que les catastr ophes publiques n’ébranleraient p as en le
frapp ant dans son e xistence et dans sa fortune ? Nul n’aurait pu le dir e ;
tout ce qu’ on savait, c’ est que , lor squ’il r e vint d’Italie , il était prêtr e .
En 1804, M. My riel était curé de B. ( Brignolles). Il était déjà vieux, et
vivait dans une r etraite pr ofonde .
V er s l’ép o que du cour onnement, une p etite affair e de sa cur e , on ne
sait plus tr op quoi, l’amena à Paris. Entr e autr es p er sonnes puissantes,
il alla solliciter p our ses p ar oissiens M. le cardinal Fesch. Un jour que
l’ emp er eur était v enu fair e sa visite à son oncle , le digne curé , qui aendait
dans l’antichambr e , se tr ouva sur le p assag e de sa majesté . Nap olé on, se
v o yant r eg arder av e c une certaine curiosité p ar ce vieillard, se r etourna,
et dit br usquement :
― el est ce b onhomme qui me r eg arde ?
― Sir e , dit M. My riel, v ous r eg ardez un b onhomme , et moi je r eg arde
un grand homme . Chacun de nous p eut pr ofiter .
L’ emp er eur , le soir même , demanda au cardinal le nom de ce curé ,
et quelque temps après M. My riel fut tout sur pris d’appr endr e qu’il était
nommé é vê que de Digne .
’y avait-il de v rai, du r este , dans les ré cits qu’ on faisait sur la pr
emièr e p artie de la vie de M. My riel ? Per sonne ne le savait. Peu de familles
avaient connu la famille My riel avant la ré v olution.
M. My riel de vait subir le sort de tout nouv e au v enu dans une p etite
5Les Misérables Chapitr e I
ville où il y a b e aucoup de b ouches qui p arlent et fort p eu de têtes qui
p ensent. Il de vait le subir , quoiqu’il fût é vê que et p ar ce qu’il était é vê que .
Mais, après tout, les pr op os aux quels on mêlait son nom n’étaient que
des pr op os ; du br uit, des mots, des p ar oles, moins que des p ar oles, des
palabres , comme dit l’éner gique langue du midi.
oi qu’il en fût, après neuf ans d’épiscop at et de résidence à Digne ,
tous ces racontag es, sujets de conv ersation qui o ccup ent dans le pr emier
moment les p etites villes et les p etites g ens, étaient tombés dans un oubli
pr ofond. Per sonne n’ eût osé en p arler , p er sonne n’ eût osé s’ en souv enir .
M. My riel était ar rivé à Digne accomp agné d’une vieille fille ,
mademoiselle Baptistine , qui était sa sœur et qui avait dix ans de moins que
lui.
Ils avaient p our tout domestique une ser vante du même âg e que
mademoiselle Baptistine , et app elé e madame Magloir e , laquelle , après av oir
été la servante de M. le curé , pr enait maintenant le double titr e de femme
de chambr e de mademoiselle et femme de char g e de monseigneur .
Mademoiselle Baptistine était une p er sonne longue , pâle , mince ,
douce ; elle ré alisait l’idé al de ce qu’ e xprime le mot « r esp e ctable » ; car il
semble qu’il soit né cessair e qu’une femme soit mèr e p our êtr e vénérable .
Elle n’avait jamais été jolie ; toute sa vie , qui n’avait été qu’une suite de
saintes œuv r es, avait fini p ar mer e sur elle une sorte de blancheur et
de clarté , et, en vieillissant, elle avait g agné ce qu’ on p our rait app eler la
b e auté de la b onté . Ce qui avait été de la maigr eur dans sa jeunesse était
de v enu, dans sa maturité , de la transp ar ence ; et cee diaphanéité laissait
v oir l’ang e . C’était une âme plus encor e que ce n’était une vier g e . Sa p
ersonne semblait faite d’ ombr e ; à p eine assez de cor ps p our qu’il y eût là un
se x e ; un p eu de matièr e contenant une lueur ; de grands y eux toujour s
baissés ; un préte xte p our qu’une âme r este sur la ter r e .
Madame Magloir e était une p etite vieille , blanche , grasse , r eplète ,
affairé e , toujour s haletante , à cause de son activité d’ab ord, ensuite à cause
d’un asthme .
A son ar rivé e , on installa M. My riel en son p alais épiscop