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Écrit par
Pierre Loti
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bibebook
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P I ERRE LO T I
LES DERN I ERS JOU RS
DE P ÉK I N
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
LES DERN I ERS JOU RS
DE P ÉK I N
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1102-7
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A MONSI EU R LE V ICE- AMI RAL PO T T I ER
Commandant en chef l’ escadr e d’Extrême-Orient.
MI RAL,L notes que j’ai env o yé es de Chine au Figaro v ont êtr e
réunies en un v olume qui sera publié à Paris avant mon r etour ,A sans qu’il me soit p ossible d’y r e v oir . Je suis donc un p eu inquiet
de ce que p our ra êtr e un tel r e cueil, qui contiendra sans doute maintes
r e dites ; mais je v ous demande cep endant de v ouloir bien en accepter la
dé dicace , comme un hommag e du pr ofond et affe ctueux r esp e ct de v otr e
pr emier aide de camp . V ous ser ez d’ailleur s indulg ent à ce liv r e plus que
p er sonne , p ar ce que v ous sav ez dans quelles conditions il a été é crit, au
jour le jour , p endant notr e p énible camp agne , au milieu de l’agitation
continuelle de notr e vie de b ord.
Je me suis b or né à noter les choses qui ont p assé dir e ctement sous
mes y eux au cour s des missions que v ous m’av ez donné es et d’un v o yag e
que v ous m’av ez p er mis de fair e dans une certaine Chine jusqu’ici à p eu
près inconnue .
and nous sommes ar rivés dans la mer Jaune , Pékin était pris et les
batailles finissaient ; je n’ai donc pu obser v er nos soldats que p endant la
1Les der nier s jour s de Pékin Chapitr e
p ério de de l’ o ccup ation p acifique ; là , p artout, je les ai v us b ons et pr esque
frater nels env er s les plus humbles Chinois. Puisse mon liv r e contribuer
p our sa p etite p art à détr uir e d’indignes lég endes é dité es contr e eux !. . .
Peut-êtr e me r epr o cher ez-v ous, amiral, de n’av oir pr esque rien dit des
matelots r estés sur nos navir es, qui ont été constamment à la p eine , sans
une défaillance de courag e ni un mur mur e , p endant notr e long et mortel
séjour dans les e aux du Petchili. Pauv r es sé questrés, qui habitaient entr e
leur s murailles de fer ! Ils n’avaient p oint comme leur s chefs, p our les
soutenir , les r esp onsabilités qui sont l’intérêt de la vie , ni le stimulant des
résolutions grav es à pr endr e ; ils ne savaient rien ; ils ne v o yaient rien,
p as même dans le lointain la sinistr e côte . Malgré la lourdeur de l’été
chinois, des feux étaient allumés nuit et jour dans leur s cloîtr es étouffants ;
ils vivaient baignés d’humidité chaude , tr emp és de sueur , ne sortant que
p our aller s’épuiser à des manœuv r es de for ce , dans les canots, p ar
mauvais temps, p arfois sur des mer s démonté es au milieu des nuits noir es.
Il suffît de r eg arder à présent leur s figur es dé coloré es et maigries p our
compr endr e combien a été déprimant leur rôle obscur .
Mais v oilà , si j’avais conté la monotonie de leur s fatigues, toujour s p
ar eilles, et de leur s dé v ouements silencieux de toutes les heur es, p er sonne
n’aurait eu la p atience de me lir e . . .
P I ERRE LO T I.
n
2Pr emièr e p artie
ARRI V ÉE D ANS LA MER
JA U N E
3Lundi 24 septembr e 1900.
’ , une mer calme et sous un ciel d’étoiles.
Une lueur à l’horizon oriental témoigne que le jour va v enir ,L mais il fait encor e nuit. L’air est tiède et lég er . . . Est-ce l’été du
Nord, ou bien l’hiv er des chauds climats ? Rien en v ue nulle p art, ni une
ter r e , ni un feu, ni une v oile ; aucune indication de lieu : une solitude
marine quelconque , p ar un temps idé al, dans le my stèr e de l’aub e indé cise .
Et, comme un lé viathan qui se dissimulerait p our sur pr endr e , le grand
cuirassé s’avance silencieusement, av e c une lenteur v oulue , sa machine
tour nant à p eine .
Il vient de fair e envir on cinq mille lieues, pr esque sans souffler ,
donnant constamment, p ar minute , quarante-huit tour s de son hélice , effe
ctuant d’une seule traite , sans avaries d’aucune sorte et sans usur e de ses
r ouag es solides, la cour se la plus longue et la plus soutenue en vitesse
qu’un monstr e de sa taille ait jamais entr eprise , et baant ainsi, dans cee
épr euv e de fond, des navir es réputés plus rapides, qu’à pr emièr e v ue on
lui aurait préférés.
4Les der nier s jour s de Pékin Chapitr e
Ce matin, il ar riv e au ter me de sa trav er sé e , il va aeindr e un p oint
du monde dont le nom r estait indiffér ent hier encor e , mais v er s le quel les
y eux de l’Eur op e sont à présent tour nés : cee mer , qui commence de
s’éclair er si tranquillement, c’ est la mer Jaune , c’ est le g olfe du Petchili p ar
où l’ on accède à Pékin. Et une immense escadr e de combat, déjà
rassemblé e , doit êtr e là tout près, bien que rien encor e n’ en dénonce l’appr o che .
D epuis deux ou tr ois jour s, dans cee mer Jaune , nous nous sommes
avancés p ar un b e au temps de septembr e . Hier et avant-hier , des jonques
aux v oiles de naes ont cr oisé notr e r oute , s’ en allant v er s la Coré e ; des
côtes, des îles nous sont aussi app ar ues, plus ou moins lointaines ; mais
en ce moment le cer cle de l’horizon est vide de tous côtés.
A p artir de minuit, notr e allur e a été ainsi ralentie afin que notr e ar
rivé e — qui va s’ entour er de la p omp e militair e oblig atoir e — n’ait p as lieu
à une heur e tr op matinale , au milieu de cee escadr e où l’ on nous aend.
††
Cinq heur es. D ans la demi-obscurité encor e , é clate la musique du
branle-bas, la g aie sonnerie de clair ons qui chaque matin ré v eille les
matelots. C’ est une heur e plus tôt que de coutume , afin qu’ on ait assez de
temps p our la toilee du cuirassé , qui est un p eu défraîchi d’asp e ct p ar
quarante-cinq jour s p assés à la mer . On ne v oit toujour s que l’ esp ace et le
vide ; cep endant la vigie , très haut p er ché e , signale sur l’horizon des
fumé es noir es, — et ce p etit nuag e de houille , qui d’ en bas n’a l’air de rien,
indique là de for midables présences ; il est e xhalé p ar les grands
vaisse aux de fer , il est comme la r espiration de cee escadr e sans pré cé dent,
à laquelle nous allons nous joindr e .
D’ab ord la toilee de l’é quip ag e , avant celle du bâtiment : pie ds nus
et tor se nu, les matelots s’é clab oussent à grande e au, dans la lumièr e qui
vient ; malgré le sur menag e constant, ils ne sont nullement fatigués, p as
plus que le vaisse au qui les p orte . Le Redoutable est du r este , de tous ces
navir es si pré cipitamment p artis, le seul qui en chemin, dans les p arag es
étouffants de la mer Roug e , n’ait eu ni morts ni maladies grav es.
Maintenant, le soleil se lè v e , tout net sur l’horizon de la mer , disque
jaune qui sur git lentement de der rièr e les e aux inertes. Pour nous, qui v
enons de quier les régions é quatoriales, ce le v er , très lumineux p ourtant,
a je ne sais quoi d’un p eu mélancolique et de déjà ter ni, qui sent l’automne
5Les der nier s jour s de Pékin Chapitr e
et les climats du Nord. V raiment il est chang é , ce soleil, depuis deux ou
tr ois jour s. Et puis il ne brûle plus, il n’ est plus dang er eux, on cesse de
s’ en mé&