21
pages
Français
Documents
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres
21
pages
Français
Documents
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres
ST EN DHAL
LE P H I LT RE
BI BEBO O KST EN DHAL
LE P H I LT RE
1927
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1150-8
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
Except where otherwise noted, this work is licensed under
h tt p : / / c r e a ti v e c o m m on s . or g / l i c e n s e s / b y - s a / 3 . 0 /
Lir e la licence
Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LE P H I LT RE
IMI T É DE L’I T ALlEN DE SI LV IA MALAP ERT A
sombr e et pluvieuse de l’été de 182., un jeune
lieutenant du 96 ᵉ régiment en g ar nison à Borde aux se r etiraitP du café où il v enait de p erdr e tout son ar g ent. Il maudissait sa
soise , car il était p auv r e .
Il suivait en silence une des r ues les plus désertes du quartier de
Lormond, quand tout à coup il entendit des cris, et d’une p orte qui s’ ouv rit
av e c fracas s’é chapp a une p er sonne qui vint tomb er à ses pie ds. L’
obscurité était telle , que l’ on ne p ouvait jug er de ce qui se p assait que p ar
le br uit. Les p our suivants, quels qu’ils fussent, s’ar rêtèr ent sur la p orte ,
app ar emment en entendant les p as du jeune officier .
Il é couta un instant : les hommes p arlaient bas, mais ne se rappr
ochaient p as. el que fût le dég oût que cee scène lui inspirait, Lié v en
cr ut de v oir r ele v er la p er sonne qui était tombé e .
Il s’ap er çut qu’ elle était en chemise ; malgré la pr ofonde obscurité de
la nuit, à deux heur es du matin qu’il p ouvait êtr e alor s, il cr ut entr e v oir
de longs che v eux dénoués : c’était donc une femme . Cee dé couv erte ne
1Le philtr e Chapitr e
lui plut nullement.
Elle p araissait hor s d’état de mar cher sans aide . Lié v en eut b esoin de
song er aux de v oir s pr escrits p ar l’humanité p our ne p as l’abandonner .
Il v o yait l’ ennui de p araîtr e le lendemain de vant un commissair e de
p olice , les plaisanteries de ses camarades, les ré cits satiriques des
journaux du p ay s.
― Je vais la placer contr e la p orte d’une maison, se dit-il ; je sonnerai
et je m’ en irai bien vite .
C’ est ce qu’il cher chait à fair e , lor squ’il entendit cee femme se
plaindr e en esp agnol. Il ne savait p as un mot d’ esp agnol. Ce fut p eut-êtr e
p our cela que deux mots fort simples que pr ononça Lé onor le jetèr ent
dans les idé es les plus r omanesques. Il ne vit plus un commissair e de p
olice et une fille baue p ar des iv r ognes ; son imagination se p erdit dans
des idé es d’amour et d’av entur es singulièr es.
Lié v en avait r ele vé cee femme , il lui adr essait des p ar oles de
consolation.
― Mais si elle était laide ! se dit-il.
Le doute à cet ég ard, en r emeant en jeu sa raison, lui fit oublier les
idé es r omanesques.
Lié v en v oulut la fair e asse oir sur le seuil d’une p orte , elle s’y r efusa.
― Allons plus loin, dit-elle av e c un accent tout à fait étrang er .
― A v ez-v ous p eur de v otr e mari ? dit Lié v en.
― Hélas ! j’ai quié ce mari, l’homme le plus r esp e ctable , et qui
m’adorait, p our un amant qui me chasse av e c la der nièr e barbarie .
Cee phrase fit oublier à Lié v en le commissair e de p olice et les suites
désagré ables d’une av entur e de nuit.
― On m’a v olé e , monsieur , dit Lé onor quelques instants après, mais je
m’ap er çois qu’il me r este une p etite bague en diamants. elque aub
ergiste v oudra p eut-êtr e me r e ce v oir . Mais, monsieur , je vais êtr e la fable de
la maison, car je v ous av ouerai que je n’ai qu’une chemise p our tout
vêtement ; je me jeerais à v os g enoux, monsieur , si j’ en avais le temps, p our
v ous supplier au nom de l’humanité de me fair e entr er dans une chambr e
quelconque et d’acheter d’une femme du p euple une mauvaise r ob e . Une
fois vêtue , ajouta-t-elle , encourag é e p ar le jeune officier , v ous p our r ez me
conduir e jusqu’à la p orte de quelque p etite aub er g e , et, là , je cesserai de
2Le philtr e Chapitr e
ré clamer les soins d’un homme g énér eux et v ous prierai d’abandonner
une malheur euse .
T out cela, dit en mauvais français, plut assez à Lié v en.
― Madame , rép ondit-il, je vais fair e tout ce que v ous m’ ordonnez.
L’ essentiel cep endant p our v ous et p our moi, c’ est de ne p as nous fair e
ar rêter . Je m’app elle Lié v en, lieutenant au 96 ᵉ régiment ; si nous r
encontr ons une p atr ouille , et qu’ elle ne soit p as de mon régiment, on nous mène
au cor ps de g arde , où il faudra p asser la nuit, et, demain, v ous et moi,
madame , ser ons la fable de Borde aux.
Lié v en sentit frémir Lé onor , à qui il donnait le bras.
― Cee hor r eur du scandale est de b on augur e , p ensa-t-il. — D aignez
pr endr e ma r e ding ote , dit-il à la dame ; je vais v ous conduir e jusque chez
moi.
― O ciel ! monsieur !. . .
― Je n’allumerai p as de lumièr e , je v ous le jur e sur l’honneur . Je v ous
laisserai maîtr esse absolue dans ma chambr e , et ne r ep araîtrai que
demain matin. Il le faut, car à six heur es ar riv e mon ser g ent, qui est homme
à frapp er jusqu’à ce qu’ on lui ouv r e . V ous av ez affair e à un homme
d’honneur . . . — Mais est-elle jolie ! se disait Lié v en.
Il ouv rit la p orte de sa maison. L’inconnue fut sur le p oint de tomb er
au bas de l’ escalier , dont elle ne tr ouvait p as la pr emièr e mar che . Lié v en
lui p arlait fort bas ; elle rép ondait de même .
― elle hor r eur d’amener des femmes dans ma maison ! s’é cria,
d’une v oix aigr e , une cabar etièr e assez jolie , en ouv rant sa p orte et
tenant une p etite lamp e .
Lié v en se tour na viv ement v er s l’inconnue , vit une figur e admirable ,
et souffla la lamp e de l’hôtesse .
― Silence , madame Saucède ! ou, demain matin, je v ous quie . Il y a
dix francs p our v ous si v ous v oulez ne rien dir e à p er sonne . Madame est
la femme du colonel, et je vais r essortir .
Lié v en était p ar v enu au tr oisième étag e , à la p orte de sa chambr e , il
tr emblait.
― Entr ez, madame , dit-il à la femme en chemise . Il y a un briquet
phosphorique à côté de la p endule . Allumez la b ougie , faites du feu,
fer3Le philtr e Chapitr e
mez la p orte en de dans. Je v ous r esp e cte comme une sœur , et ne r ep
araîtrai qu’au jour ; j’app orterai une r ob e .
― Jésus Maria ! s’é cria la b elle Esp agnole .
and Lié v en frapp a à sa p orte , le lendemain, il était amour eux fou.
Pour ne p as ré v eiller tr op tôt l’inconnue , il avait eu la p atience d’aendr e
son ser g ent sur la p orte , et d’aller dans un café signer ses p apier s.
Il avait loué une chambr e dans le v oisinag e ; il app ortait à l’inconnue
des vêtements et même un masque .
― Ainsi, madame , je ne v ous v er rai p as si v ous l’ e xig ez, lui dit-il à
trav er s la p orte .
L’idé e du masque plut à la jeune Esp agnole , en la distrayant de son
pr ofond chagrin.
― V ous êtes si g énér eux, lui dit-elle sans ouv rir , que je pr ends la
hardiesse de v ous prier de laisser contr e la p orte le p aquet de hardes que
v ous av ez acheté p our moi. and je v ous aurai entendu descendr e , je le
pr endrai.
― A dieu, madame , dit Lié v en en s’ en allant.
Lé onor fut si char mé e de la pr omptitude de l̵