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ÉMI LE ZOLA
LE D O CT EU R P ASCAL
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
LE D O CT EU R P ASCAL
1893
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0249-0
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
de l’ardente après-midi de juillet, la salle , aux
v olets soigneusement clos, était pleine d’un grand calme . Il neD v enait, des tr ois fenêtr es, que de minces flè ches de lumièr e , p ar
les fentes des vieilles b oiseries ; et c’était, au milieu de l’ ombr e , une clarté
très douce , baignant les objets d’une lueur diffuse et tendr e . Il faisait là
r elativ ement frais, dans l’é crasement tor ride qu’ on sentait au dehor s, sous
le coup de soleil qui incendiait la façade .
D eb out de vant l’ar moir e , en face des fenêtr es, le do cteur Pascal
cherchait une note , qu’il y était v enu pr endr e . Grande ouv erte , cee immense
ar moir e de chêne sculpté , aux fortes et b elles fer r ur es, datant du der nier
siè cle , montrait sur ses planches, dans la pr ofondeur de ses flancs, un
amas e xtraordinair e de p apier s, de dossier s, de manuscrits, s’ entassant,
déb ordant, pêle-mêle . Il y avait plus de tr ente ans que le do cteur y jetait
toutes les p ag es qu’il é crivait, depuis les notes brè v es jusqu’aux te xtes
complets de ses grands travaux sur l’héré dité . A ussi les r e cher ches n’y
1Le do cteur Pascal Chapitr e I
étaient-elles p as toujour s faciles. P lein de p atience , il fouillait, et il eut un
sourir e , quand il tr ouva enfin.
Un instant encor e , il demeura près de l’ar moir e , lisant la note , sous
un ray on doré qui tombait de la fenêtr e du milieu. Lui-même , dans
cee clarté d’aub e , app araissait, av e c sa barb e et ses che v eux de neig e ,
d’une solidité vig our euse bien qu’il appr o chât de la soix antaine , la face
si fraîche , les traits si fins, les y eux r estés limpides, d’une telle enfance ,
qu’ on l’aurait pris, ser ré dans son v eston de v elour s mar r on, p our un
jeune homme aux b oucles p oudré es.
― Tiens ! Clotilde , finit-il p ar dir e , tu r e copieras cee note . Jamais
Ramond ne dé chiffr erait ma satané e é critur e .
Et il vint p oser le p apier près de la jeune fille , qui travaillait deb out
de vant un haut pupitr e , dans l’ embrasur e de la fenêtr e de dr oite .
― Bien, maîtr e ! rép ondit-elle .
Elle ne s’était p as même r etour né e , tout entièr e au p astel qu’ elle
sabrait en ce moment de lar g es coups de cray on. Près d’ elle , dans un vase ,
fleurissait une tig e de r oses trémièr es, d’un violet singulier , zébré de
jaune . Mais on v o yait neement le pr ofil de sa p etite tête r onde , aux
chev eux blonds et coup és court, un e x quis et sérieux pr ofil, le fr ont dr oit,
plissé p ar l’aention, l’ œil bleu ciel, le nez fin, le menton fer me . Sa nuque
p enché e avait surtout une adorable jeunesse , d’une fraîcheur de lait, sous
l’ or des frisur es folles. D ans sa longue blouse noir e , elle était très grande ,
la taille mince , la g or g e menue , le cor ps souple , de cee souplesse
allong é e des divines figur es de la Renaissance . Malgré ses vingt-cinq ans, elle
r estait enfantine et en p araissait à p eine dix-huit.
― Et, r eprit le do cteur , tu r emeras un p eu d’ ordr e dans l’ar moir e . On
ne s’y r etr ouv e plus.
― Bien, maîtr e ! rép éta-t-elle sans le v er la tête . T out à l’heur e !
Pascal était r e v enu s’asse oir à son bur e au, à l’autr e b out de la salle ,
de vant la fenêtr e de g auche . C’était une simple table de b ois noir ,
encombré e , elle aussi, de p apier s, de br o chur es de toutes sortes. Et le silence
r etomba, cee grande p aix à demi obscur e , dans l’é crasante chaleur du
dehor s. La vaste piè ce , longue d’une dizaine de mètr es, lar g e de six, n’avait
d’autr es meubles, av e c l’ar moir e , que deux cor ps de bibliothè que , b ondés
de liv r es. D es chaises et des fauteuils antiques traînaient à la débandade ;
2Le do cteur Pascal Chapitr e I
tandis que , p our tout or nement, le long des mur s, tapissés d’un ancien p
apier de salon Empir e , à r osaces, se tr ouvaient cloués des p astels de fleur s,
aux colorations étrang es, qu’ on distinguait mal. Les b oiseries des tr ois
p ortes, à double baant, celle de l’ entré e , sur le p alier , et les deux autr es,
celle de la chambr e du do cteur et celle de la chambr e de la jeune fille , aux
deux e xtrémités de la piè ce , dataient de Louis X V , ainsi que la cor niche
du plafond enfumé .
Une heur e se p assa, sans un br uit, sans un souffle . Puis, comme Pascal,
p ar distraction à son travail, v enait de r ompr e la bande d’un jour nal oublié
sur sa table , le Temps , il eut une légèr e e x clamation.
― Tiens ! ton pèr e qui est nommé dir e cteur de l’Époque , le jour nal
républicain à grand succès, où l’ on publie les p apier s des T uileries !
Cee nouv elle de vait êtr e p our lui inaendue , car il riait d’un b on
rir e , à la fois satisfait et aristé ; et, à demi-v oix, il continuait :
― Ma p ar ole ! on inv enterait les choses, qu’ elles seraient moins
b elles. . . La vie est e xtraordinair e . . . Il y a là un article très intér essant.
Clotilde n’avait p as rép ondu, comme à cent lieues de ce que disait
son oncle . Et il ne p arla plus, il prit des cise aux, après av oir lu l’article ,
le dé coup a, le colla sur une feuille de p apier , où il l’annota de sa gr osse
é critur e ir régulièr e . Puis, il r e vint v er s l’ar moir e , p our y classer cee note
nouv elle . Mais il dut pr endr e une chaise , la planche du haut était si haute
qu’il ne p ouvait l’aeindr e , malgré sa grande taille .
Sur cee planche éle vé e , toute une série d’énor mes dossier s
s’alignaient en b on ordr e , classés métho diquement. C’étaient des do cuments
div er s, feuilles manuscrites, piè ces sur p apier timbré , articles de jour naux
dé coup és, réunis dans des chemises de fort p apier bleu, qui chacune p
ortait un nom é crit en gr os caractèr es. On sentait ces do cuments tenus à
jour av e c tendr esse , r epris sans cesse et r emis soigneusement en place ;
car , de toute l’ar moir e , ce coin-là seul était en ordr e .
Lor sque Pascal, monté sur la chaise , eut tr ouvé le dossier qu’il
cherchait, une des chemises les plus b our ré es, où était inscrit le nom de
« Saccard », il y ajouta la note nouv elle , puis r eplaça le tout à sa ler e
alphabétique . Un instant encor e , il s’ oublia, r e dr essa complaisamment une pile
qui s’ effondrait. Et, comme il sautait enfin de la chaise :
― T u entends ? Clotilde , quand tu rang eras, ne touche p as aux
dos3Le do cteur Pascal Chapitr e I
sier s, là-haut.
― Bien, maîtr e ! rép ondit-elle p our la tr oisième fois, do cilement.
Il s’était r emis à rir e , de son air de g aieté natur elle .
― C’ est défendu !
― Je le sais, maîtr e !
Et il r efer ma l’ar moir e d’un vig our eux tour de clef, puis il jeta la clef au
fond d’un tir oir de sa table de travail. La jeune fille était assez au courant
de ses r e che