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ÉMI LE ZOLA
LA T ERRE
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
LA T ERRE
1895
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0248-3
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.Pr emièr e p artie
1CHAP I T RE I
, , un semoir de toile bleue noué sur le v entr e , en
tenait la p o che ouv erte de la main g auche , et de la dr oite , tous lesJ tr ois p as, il y pr enait une p oigné e de blé , que d’un g este , à la v
olé e , il jetait. Ses gr os soulier s tr ouaient et emp ortaient la ter r e grasse , dans
le balancement cadencé de son cor ps ; tandis que , à chaque jet au milieu
de la semence blonde toujour s v olante , on v o yait luir e les deux g alons
r oug es d’une v este d’ ordonnance , qu’il ache vait d’user . Seul, en avant, il
mar chait, l’air grandi ; et, der rièr e , p our enfouir le grain, une her se r
oulait lentement, aelé e de deux che vaux, qu’un char r etier p oussait à longs
coups de fouet régulier s, claquant au-dessus de leur s or eilles.
La p ar celle de ter r e , d’une cinquantaine d’ar es à p eine , au lieu dit
des Cor nailles, était si p eu imp ortante , que M. Hourde quin, le maîtr e de
la Borderie , n’avait p as v oulu y env o y er le semoir mé canique , o ccup é
ailleur s. Je an, qui r emontait la piè ce du midi au nord, avait justement
devant lui, à deux kilomètr es, les bâtiments de la fer me . Ar rivé au b out du
2La ter r e Chapitr e I
sillon, il le va les y eux, r eg arda sans v oir , en soufflant une minute .
C’étaient des mur s bas, une tache br une de vieilles ardoises, p erdue
au seuil de la Be auce , dont la plaine , v er s Chartr es, s’étendait. Sous le ciel
vaste , un ciel couv ert de la fin d’ o ctobr e , dix lieues de cultur es étalaient
en cee saison les ter r es nues, jaunes et fortes, des grands car rés de
lab our , qui alter naient av e c les napp es v ertes des luzer nes et des trèfles ;
et cela sans un cote au, sans un arbr e , à p erte de v ue , se confondant,
s’abaissant, der rièr e la ligne d’horizon, nee et r onde comme sur une mer .
Du côté de l’ ouest, un p etit b ois b ordait seul le ciel d’une bande r oussie .
A u milieu, une r oute , la r oute de Châte audun à Orlé ans, d’une blancheur
de craie , s’ en allait toute dr oite p endant quatr e lieues, dér oulant le défilé
g é ométrique des p ote aux du télégraphe . Et rien autr e , que tr ois ou quatr e
moulins de b ois, sur leur pie d de char p ente , les ailes immobiles. D es
villag es faisaient des îlots de pier r e , un clo cher au loin émer g e ait d’un pli de
ter rain, sans qu’ on vît l’église , dans les molles ondulations de cee ter r e
du blé .
Mais Je an se r etour na, et il r ep artit, du nord au midi, av e c son
balancement, la main g auche tenant le semoir , la dr oite foueant l’air d’un v ol
continu de semence . Maintenant, il avait de vant lui, tout pr o che , coup ant
la plaine ainsi qu’un fossé , l’étr oit vallon de l’ Aigr e , après le quel r e
commençait la Be auce , immense , jusqu’à Orlé ans. On ne de vinait les prairies
et les ombrag es qu’à une ligne de grands p euplier s, dont les cimes jaunies
dép assaient le tr ou, p ar eilles, au ras des b ords, à de courts buissons. Du p
etit villag e de Rognes, bâti sur la p ente , quelques toitur es seules étaient en
v ue , au pie d de l’église , qui dr essait en haut son clo cher de pier r es grises,
habité p ar des familles de corb e aux très vieilles. Et, du côté de l’ est, au
delà de la vallé e du Loir , où se cachait à deux lieues Clo y es, le chef-lieu
du canton, se pr ofilaient les lointains cote aux du Per che , violâtr es sous le
jour ardoisé . On se tr ouvait là dans l’ancien Dunois, de v enu aujourd’hui
l’ar r ondissement de Châte audun, entr e le Per che et la Be auce , et à la
lisièr e même de celle-ci, à cet endr oit où les ter r es moins fertiles lui font
donner le nom de Be auce p ouilleuse . Lor sque Je an fut au b out du champ ,
il s’ar rêta encor e , jeta un coup d’ œil en bas, le long du r uisse au de l’ Aigr e ,
vif et clair à trav er s les herbag es, et que suivait la r oute de Clo y es,
sillonné e ce same di-là p ar les car rioles des p ay sans allant au mar ché . Puis, il
3La ter r e Chapitr e I
r emonta.
Et toujour s, et du même p as, av e c le même g este , il allait au nord, il
r e v enait au midi, env elopp é dans la p oussièr e vivante du grain ; p endant
que , der rièr e , la her se , sous les claquements du fouet, enter rait les g er mes,
du même train doux et comme réflé chi. D e longues pluies v enaient de
r etarder les semailles d’automne ; on avait encor e fumé en août, et les
lab our s étaient prêts depuis longtemps, pr ofonds, neo yés des herb es
salissantes, b ons à r e donner du blé , après le trèfle et l’av oine de l’assolement
triennal. A ussi la p eur des g elé es pr o chaines, menaçantes à la suite de ces
délug es, faisait-elle se hâter les cultivateur s. Le temps s’était mis br
usquement au fr oid, un temps couleur de suie , sans un souffle de v ent, d’une
lumièr e ég ale et mor ne sur cet o cé an de ter r e immobile . D e toutes p arts,
on semait : il y avait un autr e semeur à g auche , à tr ois cents mètr es, un
autr e plus loin, v er s la dr oite ; et d’autr es, d’autr es encor e s’ enfonçaient
en face , dans la p er sp e ctiv e fuyante des ter rains plats. C’étaient de p
etites silhouees noir es, de simples traits de plus en plus minces, qui se
p erdaient à des lieues. Mais tous avaient le g este , l’ env olé e de la semence ,
que l’ on de vinait comme une onde de vie autour d’ eux. La plaine en pr
enait un frisson, jusque dans les lointains no yés, où les semeur s ép ar s ne
se v o yaient plus.
Je an descendait p our la der nièr e fois, lor squ’il ap er çut, v enant de
Rognes, une grande vache r ousse et blanche , qu’une jeune fille , pr esque
une enfant, conduisait à la corde . La p etite p ay sanne et la bête suivaient
le sentier qui long e ait le vallon, au b ord du plate au ; et, le dos tour né , il
avait ache vé l’ emblav e en r emontant, lor squ’un br uit de cour se , au milieu
de cris étranglés, lui fit de nouv e au le v er la tête , comme il dénouait son
semoir p our p artir . C’était la vache emp orté e , g alop ant dans une
luzernièr e , suivie de la fille qui s’épuisait à la r etenir . Il craignit un malheur , il
cria :
― Lâche-la donc !
Elle n’ en faisait rien, elle haletait, injuriait sa vache , d’une v oix de
colèr e et d’ép ouvante .
― La Coliche ! v eux-tu bien, la Coliche !. . . Ah ! sale bête !. . . Ah !
sacré e r osse !
Jusque-là , courant et sautant de toute la longueur de ses p etites
4La ter r e Chapitr e I
jamb es, elle avait pu la suiv r e . Mais elle buta, tomba une pr emièr e fois,
se r ele va p our r etomb er plus loin ; et, dès lor s, la bête s’affolant, elle fut
traîné e . Maintenant, elle hurlait. Son cor ps, dans la luzer ne , laissait un
sillag e .
― Lâche-la donc, nom de Dieu ! continuait à crier Je an. Lâche-la
donc !
Et il criait cela machinalement, p ar ter r eur ; car il courait lui aussi, en
compr enant enfin : la corde de vait s’êtr e noué e autour du p oignet, ser ré e
davantag e à chaque nouv el effort. Heur eusement, il coup a au trav er s d’un
lab our , ar riva d’un te