192
pages
Français
Documents
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres
192
pages
Français
Documents
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres
Publié par
Nombre de lectures
43
EAN13
9782824712574
Licence :
Libre de droits
Langue
Français
Publié par
Nombre de lectures
43
EAN13
9782824712574
Licence :
Libre de droits
Langue
Français
GEORGES BERNANOS
LA JOI E
BI BEBO O KGEORGES BERNANOS
LA JOI E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1257-4
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comA pr op os de Bib eb o ok :
V ous av ez la certitude , en télé char g e ant un liv r e sur Bib eb o ok.com de
lir e un liv r e de qualité :
Nous app ortons un soin p articulier à la qualité des te xtes, à la mise
en p ag e , à la ty p ographie , à la navig ation à l’intérieur du liv r e , et à la
cohér ence à trav er s toute la colle ction.
Les eb o oks distribués p ar Bib eb o ok sont ré alisés p ar des béné v oles
de l’ Asso ciation de Pr omotion de l’Ecritur e et de la Le ctur e , qui a comme
obje ctif : la promotion de l’écriture et de la lecture, la diffusion, la protection,
la conservation et la restauration de l’écrit.
Aidez nous :
V os p ouv ez nous r ejoindr e et nous aider , sur le site de Bib eb o ok.
hp ://w w w .bib eb o ok.com/joinus
V otr e aide est la bienv enue .
Er r eur s :
Si v ous tr ouv ez des er r eur s dans cee é dition, mer ci de les signaler à :
er r or@bib eb o ok.com
T élé char g er cet eb o ok :
hp ://w w w .bib eb o ok.com/se ar ch/978-2-8247-1257-4Cr e dits
Sour ces :
– Bibliothè que Éle ctr onique du éb e c
Ont contribué à cee é dition :
– Gabriel Cab os
Fontes :
– P hilipp H. Poll
– Christian Spr emb er g
– Manfr e d KleinLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
Except where otherwise noted, this work is licensed under
h tt p : / / c r e a ti v e c o m m on s . or g / l i c e n s e s / b y - s a / 3 . 0 /
Lir e la licence
Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.Pr emièr e p artie
1CHAP I T RE I
la p orte , et r esta un moment sur le seuil,
immobile , tenant le vé e sa main à mitaine noir e . Puis elle r epritE sa mar che à p as menus, furtiv e , éblouie , sa vieille p etite tête
invisible sous le triple bande au d’un châle de laine , aussi seule qu’une
morte dans le jour é clatant. Un ray on de soleil trav er sait la piè ce
obliquement, de b out en b out. and elle s’ar rêta, l’ ombr e lumineuse du tilleul
continua de floer sur le mur .
— i v ous a laissé e v enir ici, maman, p our quoi ? dit M. de Cler g erie .
À une heur e p ar eille ! D e si b on matin. e fait donc Francine ?
Il était app ar u à l’autr e e xtrémité de la salle , av e c ses lunees d’é caille
et son p etit b onnet de drap , un v eston de chambr e à brandeb our gs sur sa
chemise de nuit. Mais elle ne cessait p as de le r eg arder fix ement, comme
p our le mieux r e connaîtr e et lui tr ouv er une place dans la my stérieuse et
implacable succession de ses p ensé es. Il s’appr o cha d’ elle , en haussant les
ép aules, et lui ser ra un p eu le bras sans p arler .
2La joie Chapitr e I
— Les clefs ? dit-elle .
— Peut-êtr e les av ez-v ous laissé es sur v otr e table de nuit ? Hier déjà ,
maman, souv enez-v ous. . . Et tenez, je les sens dans v otr e p o che : les v oilà .
La main ridé e sauta dessus, av e c l’agilité d’une p etite bête . Elle les
appr o c ha de son or eille , les fit cliqueter , puis sourit malicieusement. La v oix
de son fils, une pr ession de ses doigts, sa seule présence réussissait
toujour s à l’ap aiser . Mais ses traits ne se détendir ent cee fois qu’un instant,
et elle se mit de nouv e au à p arler p our elle seule , à v oix basse .
— Je sais ce qui v ous inquiète , oui, oui, dit-il, sans lâcher le bras dont
il sentait à trav er s l’ép aisseur de l’étoffe la résistance impuissante . Je sais.
Ne v ous meez p as en p eine . . . Elle ne se lè v era p as encor e aujourd’hui,
elle ne sortira p as de sa chambr e . Je compte absolument sur v ous, maman.
— elle faible santé ! Pauv r e ami, r eprit la vieille dame après av oir
réflé chi pr ofondément. elle faible santé . . . N’imp orte : je v eillerai à tout,
mon g ar çon, laisse-moi fair e . Je me sens aujourd’hui si activ e , si g aillarde ,
c’ est à ne p as cr oir e . Nous sur v eiller ons la lessiv e . Edmond a-t-il r endu
la clef du gr enier à foin ? Oh ! c’ est une lourde char g e p our moi qu’une
maison comme la nôtr e . . . T on pèr e est très bas, très bas.
Elle avait é carté un coin du châle , et montrait son r eg ard gris, encor e
plein de méfiance , mais né anmoins déjà raffer mi. Et tout à coup son bras
cessa lui-même toute résistance , s’abandonna. Elle se mit à rir e , déliv ré e .
— Pour quoi me caches-tu qu’ elle est morte , mon g ar çon ? fit-elle . V oilà
son tr ousse au de clefs. Elle ne se lè v era p as encor e aujourd’hui, dis-tu,
p auv r e fille . Hé non ! elle ne se lè v era p as, bien sûr . elle affr euse
comé die ! Est-ce que tu me cr ois folle ?
— Mais non, maman, mais non ! r eprit Mlle Cler g erie , en r ougissant.
Je v ois au contrair e que v ous êtes à présent tout à fait ré v eillé e , ne v ous
cr eusez plus la tête . A v ez-v ous é crit notr e menu p our la jour né e ? Je le
ferai p orter à la cuisine .
— V oilà , v oilà , dit-elle , en tirant viv ement de son gir on un car ré de
p apier couv ert de signes incompréhensibles. J’ai très faim. J’ai
fameusement faim. D e son temps – je ne lui r epr o cherai rien, p auv r e enfant,
c’était ainsi, v oilà tout – la cuisinièr e n’ en faisait qu’à son b on plaisir ; quelle
nour ritur e !. . . Et à ce pr op os. . . et à ce pr op os, mon ami. . .
Elle frapp a plusieur s fois son menton du b out de l’inde x, av e c une
3La joie Chapitr e I
colèr e soudaine qui fit monter le sang à ses joues. Son r eg ard dansa de
nouv e au :
— Elle a mang é hier , à elle seule , la moitié du plat, je l’ai v ue – le
mor ce au du r ognon, si gras, si luisant, à elle seule – un p é ché , un v rai
p é ché . Est-ce que les malades ont cet app étit, je te demande ? Mais tu es
aussi simple qu’un enfant.
Il n’ osait l’inter r ompr e , il n’ osait même plus p orter la main sur le cor ps
fragile , tout tr emblant de colèr e . Cee v oix, que la vieillesse avait
bizarr ement aigrie sans toutefois en chang er le timbr e , c’était celle que p etit
g ar çon il avait appris à r e douter , mais c’était celle encor e qui avait
toujour s ap aisé ses ter r eur s, tranché d’un mot ses scr upules, rép ondu de lui
de vant les hommes, et il semblait qu’ elle g ardât, qu’ elle dût emp orter un
jour du côté des ombr es le mé dio cr e se cr et de sa vie , ses joies tristes, ses
r emords. Il l’aimait. Il l’aimait surtout p ar ce qu’ elle était la seule chose
vivante qu’il comprît pleinement, qu’il comprît comme on aime , p ar un
élan de sy mp athie pr ofonde , char nelle . Il eût désiré de p ouv oir l’ entendr e ,
à l’heur e de la mort – telle quelle – non p as amollie , mais av e c cet accent
p articulier , cee même vibration de fur eur contenue ou de mépris, qui
avait tant de fois jadis calmé ses nerfs, lor sque au temps de sa chétiv e
adolescence il s’é v eillait br usquement la nuit, dans un délir e d’ang oisse ,
« Imbé cile ! disait la v oix esp éré e , libératrice . T u n’as rien v u du tout. Et si
tu ré v eilles ton pèr e , tu auras affair e à moi. » Alor s il sav ourait sa honte ,
le nez sous les draps, soulag é d’un p oids immense .
M. de Cler g erie est un p etit homme noir et tragique , av e c une tête
de rat. Et son inquiétude est aussi celle d’un rat, av e c les g estes menus,
pré cis, la p er p étuelle