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ÉMI LE ZOLA
LA FORT U N E DES
ROUGON
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
LA FORT U N E DES
ROUGON
1897
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0243-8
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
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compris à Bib eb o ok.P RÉF A CE
comment une famille , un p etit gr oup e d’êtr es, se
comp orte dans une so ciété , en s’ép anouissant p our donner nais-J sance à dix, à vingt i ndividus, qui p araissent, au pr emier coup
d’ œil, pr ofondément dissemblables, mais que l’analy se montr e
intimement liés les uns aux autr es. L’héré dité a ses lois, comme la p esanteur .
Je tâcherai de tr ouv er et de suiv r e , en résolvant la double question des
temp éraments et des milieux, le fil qui conduit mathématiquement d’un
homme à un autr e homme . Et quand je tiendrai tous les fils, quand j’aurai
entr e les mains tout un gr oup e so cial, je ferai v oir ce gr oup e à l’ œuv r e ,
comme acteur d’une ép o que historique , je le cré erai agissant dans la
comple xité de ses efforts, j’analy serai à la fois la somme de v olonté de chacun
de ses membr es et la p oussé e g énérale de l’ ensemble .
Les Roug on-Macquart, le gr oup e , la famille que je me pr op ose
d’étudier , a p our caractéristique le déb ordement des app étits, le lar g e
soulè v ement de notr e âg e , qui se r ue aux jouissances. P hy siologiquement,
ils sont la lente succession des accidents ner v eux et sanguins qui se
déclar ent dans une race , à la suite d’une pr emièr e lésion or g anique , et qui
déter minent, selon les milieux, chez chacun des individus de cee race , les
sentiments, les désir s, les p assions, toutes les manifestations humaines,
1La fortune des Roug on Chapitr e
natur elles et instinctiv es, dont les pr o duits pr ennent les noms conv enus
de v ertus et de vices. Historiquement, ils p artent du p euple , ils s’ir
radient dans toute la so ciété contemp oraine , ils montent à toutes les
situations, p ar cee impulsion essentiellement mo der ne que r e çoiv ent les
basses classes en mar che à trav er s le cor ps so cial, et ils racontent ainsi
le se cond empir e , à l’aide de leur s drames individuels, du guet-ap ens du
coup d’État à la trahison de Se dan.
D epuis tr ois anné es, je rassemblais les do cuments de ce grand
ouv rag e , et le présent v olume était même é crit, lor sque la chute des
Bonap arte , dont j’avais b esoin comme artiste , et que toujour s je tr ouvais
fatalement au b out du drame , sans oser l’ esp ér er si pr o chaine , est v enue me
donner le dénouement ter rible et né cessair e de mon œuv r e . Celle-ci est,
dès aujourd’hui, complète ; elle s’agite dans un cer cle fini ; elle de vient le
table au d’un règne mort, d’une étrang e ép o que de folie et de honte .
Cee œuv r e , qui for mera plusieur s épiso des, est donc, dans ma p
ensé e , l’Histoir e natur elle et so ciale d’une famille sous le se cond empir e .
Et le pr emier épiso de : la Fortune des Rougon , doit s’app eler de son titr e
scientifique : les Origines .
ÉMILE ZOLA.
Paris, le 1ʳ Juillet 1871
n
2CHAP I T RE I
’ P lassans p ar la p orte de Rome , situé e au sud
de la ville , on tr ouv e , à dr oite de la r oute de Nice , après av oirL dép assé les pr emièr es maisons du faub our g, un ter rain vague
désigné dans le p ay s sous le nom d’air e Saint-Mir e .
L’air e Saint-Mir e est un car ré long, d’une certaine étendue , qui
s’allong e au ras du tr ooir de la r oute , dont une simple bande d’herb e usé e
la sép ar e . D’un côté , à dr oite , une r uelle , qui va se ter miner en cul-de-sac,
la b orde d’une rang é e de masur es ; à g auche et au fond, elle est close p ar
deux p ans de muraille r ong és de mousse , au-dessus desquels on ap er çoit
les branches hautes des mûrier s du Jas-Meiffr en, grande pr opriété qui a
son entré e plus bas dans le faub our g. Ainsi fer mé e de tr ois côtés, l’air e est
comme une place qui ne conduit nulle p art et que les pr omeneur s seuls
trav er sent.
Anciennement, il y avait là un cimetièr e placé sous la pr ote ction de
Saint-Mir e , un saint pr o v ençal fort honoré dans la contré e . Les vieux de
3La fortune des Roug on Chapitr e I
P lassans, en 1851, se souv enaient encor e d’av oir v u deb out les mur s de
ce cimetièr e , qui était r esté fer mé p endant des anné es. La ter r e , que l’ on
g or g e ait de cadav r es depuis plus d’un siè cle , suait la mort, et l’ on avait dû
ouv rir un nouv e au champ de sépultur es à l’autr e b out de la ville .
Abandonné , l’ancien cimetièr e s’était épuré à chaque printemps, en se couv rant
d’une vég étation noir e et dr ue . Ce sol gras, dans le quel les fosso y eur s ne
p ouvaient plus donner un coup de bê che sans ar racher quelque lamb e au
humain, eut une fertilité for midable . D e la r oute , après les pluies de mai
et les soleils de juin, on ap er ce vait les p ointes des herb es qui déb ordaient
les mur s ; en de dans, c’était une mer d’un v ert sombr e , pr ofonde , piqué e
de fleur s lar g es, d’un é clat singulier . On sentait en dessous, dans l’ ombr e
des tig es pr essé es, le ter r e au humide qui b ouillait et suintait la sè v e .
Une des curiosités de ce champ était alor s des p oirier s aux bras
tordus, aux nœuds monstr ueux, dont p as une ménagèr e de P lassans n’aurait
v oulu cueillir les fr uits énor mes. D ans la ville , on p arlait de ces fr uits av e c
des grimaces de dég oût ; mais les g amins du faub our g n’avaient p as de
ces délicatesses, et ils escaladaient la muraille , p ar bandes, le soir , au
crépuscule , p our aller v oler les p oir es, avant même qu’ elles fussent mûr es.
La vie ardente des herb es et des arbr es eut bientôt dé v oré toute la
mort de l’ancien cimetièr e Saint-Mir e ; la p our ritur e humaine fut
mang é e avidement p ar les fleur s et les fr uits, et il ar riva qu’ on ne sentit plus,
en p assant le long de ce clo aque , que les senteur s p énétrantes des gir oflé es
sauvag es. Ce fut l’affair e de quelques étés.
V er s ce temps, la ville song e a à tir er p arti de ce bien communal, qui
dor mait inutile . On abait les mur s long e ant la r oute et l’imp asse , on
arracha les herb es et les p oirier s. Puis on déménag e a le cimetièr e . Le sol fut
fouillé à plusieur s mètr es, et l’ on amoncela, dans un coin, les ossements
que la ter r e v oulut bien r endr e . Pendant près d’un mois, les g amins, qui
pleuraient les p oirier s, jouèr ent aux b oules av e c des crânes ; de mauvais
plaisants p endir ent, une nuit, des fémur s et des tibias à tous les cordons
de sonnee de la ville . Ce scandale , dont P lassans g arde encor e le
souv enir , ne cessa que le jour où l’ on se dé cida à aller jeter le tas d’ os au
fond d’un tr ou cr eusé dans le nouv e au cimetièr e . Mais, en pr o vince , les
travaux se font av e c une sag e lenteur , et les habitants, durant une grande
semaine , vir ent, de loin en loin, un seul tomb er e au transp ortant des débris
4La fortune des Roug on Chapitr e I
humains, comme il aurait transp orté des plâtras. Le pis était que ce
tomb er e au de vait trav er ser P lassans dans toute sa longueur , et que le mauvais
p avé des r ues lui faisait semer , à chaque cahot, des