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ÉMI LE ZOLA
LA CONQU ÊT E DE
P LASSANS
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
LA CONQU ÊT E DE
P LASSANS
1874
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0239-1
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
mains. C’était une enfant de quator ze ans, forte
p our son âg e , et qui avait un rir e de p etite fille de cinq ans.D ― Maman, maman ! cria-t-elle , v ois ma p oup é e !
Elle avait pris à sa mèr e un chiffon, dont elle travaillait depuis un quart
d’heur e à fair e une p oup é e , en le r oulant et en l’étranglant p ar un b out, à
l’aide d’un brin de fil. Marthe le va les y eux du bas qu’ elle raccommo dait
av e c des délicatesses de br o derie . Elle sourit à D ésiré e .
― C’ est un p oup on, ça ! dit-elle . Tiens, fais une p oup é e . T u sais, il faut
qu’ elle ait une jup e , comme une dame .
Elle lui donna une r ognur e d’indienne qu’ elle tr ouva dans sa table à
ouv rag e ; puis, elle se r emit à son bas, soigneusement. Elles étaient toutes
deux assises, à un b out de l’étr oite ter rasse , la fille sur un tab our et, aux
pie ds de la mèr e . Le soleil couchant, un soleil de septembr e , chaud
encor e , les baignait d’une lumièr e tranquille ; tandis que , de vant elles, le
jardin, déjà dans une ombr e grise , s’ endor mait. Pas un br uit, au dehor s,
1La conquête de P lassans Chapitr e I
ne montait de ce coin désert de la ville .
Cep endant, elles travaillèr ent dix grandes minutes en silence . D ésiré e
se donnait une p eine infinie p our fair e une jup e à sa p oup é e . Par moments,
Marthe le vait la tête , r eg ardait l’ enfant av e c une tendr esse un p eu triste .
Comme elle la v o yait très-embar rassé e :
― Aends, r eprit-elle ; je vais lui mer e les bras, moi.
Elle pr enait la p oup é e , lor sque deux grands g ar çons de dix-sept et
dixhuit ans descendir ent le p er r on. Ils vinr ent embrasser Marthe .
― Ne nous gr onde p as, maman, dit g aiement O ctav e . C’ est moi qui ai
mené Ser g e à la musique . . . Il y avait un monde , sur le cour s Sauvair e !
― Je v ous ai cr us r etenus au collèg e , mur mura la mèr e , sans cela,
j’aurais été bien inquiète .
Mais D ésiré e , sans plus song er à la p oup é e , s’était jeté e au cou de
Ser g e , en lui criant :
― J’ai un oise au qui s’ est env olé , le bleu, celui dont tu m’avais fait
cade au.
Elle avait une gr osse envie de pleur er . Sa mèr e , qui cr o yait ce chagrin
oublié , eut b e au lui montr er la p oup é e . Elle tenait le bras de son frèr e , elle
rép était, en l’ entraînant v er s le jardin :
― Viens v oir .
Ser g e , av e c sa douceur complaisante , la suivit, cher chant à la
consoler . Elle le conduisit à une p etite ser r e , de vant laquelle se tr ouvait une
cag e p osé e sur un pie d. Là , elle lui e xpliqua que l’ oise au s’était sauvé au
moment où elle avait ouv ert la p orte p our l’ empê cher de se bar e av e c
un autr e .
― Pardi ! ce n’ est p as étonnant, cria O ctav e , qui s’était assis sur la
ramp e de la ter rasse : elle est toujour s à les toucher , elle r eg arde comment
ils sont faits et ce qu’ils ont dans le g osier p our chanter . L’autr e jour , elle
les a pr omenés tout une après-midi dans ses p o ches, afin qu’ils aient bien
chaud.
― O ctav e !. . . dit Marthe d’un ton de r epr o che ; ne la tour mente p as,
la p auv r e enfant. »
D ésiré e n’avait p as entendu. Elle racontait à Ser g e , av e c de longs
détails, de quelle façon l’ oise au s’était env olé .
2La conquête de P lassans Chapitr e I
― V ois-tu, il a glissé comme ça, il est allé se p oser à côté , sur le grand
p oirier de monsieur Rastoil. D e là , il a sauté sur le pr unier , au fond. Puis,
il a r ep assé sur ma tête , et il est entré dans les grands arbr es de la
souspréfe ctur e , où je ne l’ai plus v u, non, plus du tout.
D es lar mes p ar ur ent au b ord de ses y eux.
― Il r e viendra p eut-êtr e , hasarda Ser g e .
― T u cr ois ? . . . J’ai envie de mer e les autr es dans une b oîte et de
laisser la cag e ouv erte toute la nuit.
O ctav e ne put s’ empê cher de rir e ; mais Marthe rapp ela D ésiré e .
― Viens donc v oir , viens donc v oir !
Et elle lui présenta la p oup é e . La p oup é e était sup erb e ; elle avait une
jup e r oide , une tête for mé e d’un tamp on d’étoffe , des bras faits d’une
lisièr e cousue aux ép aules. Le visag e de D ésiré e s’é claira d’une joie subite .
Elle se rassit sur le tab our et, ne p ensant plus à l’ oise au, baisant la p oup é e ,
la b er çant dans sa main, av e c une puérilité de g amine .
Ser g e était v enu s’accouder près de son frèr e . Marthe avait r epris son
bas.
― Alor s, demanda-t-elle , la musique a joué ?
― Elle joue tous les jeudis, rép ondit O ctav e . T u as tort, maman, de
ne p as v enir . T oute la ville est là , les demoiselles Rastoil, madame de
Condamin, monsieur Palo que , la femme et la fille du mair e !. . . Pour quoi
ne viens-tu p as ?
Marthe ne le va p as les y eux ; elle mur mura, en ache vant une r eprise :
― V ous sav ez bien, mes enfants, que je n’aime p as sortir . Je suis si
tranquille , ici. Puis, il faut que quelqu’un r este av e c D ésiré e .
O ctav e ouv rait les lè v r es, mais il r eg arda sa sœur et se tut. Il demeura
là , sifflant doucement, le vant les y eux sur les arbr es de la préfe ctur e , pleins
du tap ag e des pier r ots qui se couchaient, e x aminant les p oirier s de M.
Rastoil, der rièr e lesquels descendait le soleil. Ser g e avait sorti de sa p o che
un liv r e qu’il lisait aentiv ement. Il y eut un silence r e cueilli, chaud d’une
tendr esse muee , dans la b onne lumièr e jaune qui pâlissait p eu à p eu sur
la ter rasse . Marthe , couvant du r eg ard ses tr ois enfants, au milieu de cee
p aix du soir , tirait de grandes aiguillé es régulièr es.
― T out le monde est donc en r etard aujourd’hui ? r eprit-elle au b out
d’un instant. Il est près de six heur es, et v otr e pèr e ne r entr e p as. . . Je cr ois
3La conquête de P lassans Chapitr e I
qu’il est allé du côté des T ulees.
― Ah bien ! dit O ctav e , ce n’ est p as étonnant, alor s. . . Les p ay sans des
T ulees ne le lâchent plus, quand ils le tiennent. . . Est-ce p our un achat
de vin ?
― Je l’ignor e , rép ondit Marthe ; v ous sav ez qu’il n’aime p as à p arler
de ses affair es.
Un silence se fit de nouv e au. D ans la salle à mang er , dont la fenêtr e
était grande ouv erte sur la ter rasse , la vieille Rose , depuis un moment,
meait le couv ert, av e c des br uits ir rités de vaisselle et d’ar g enterie . Elle
p araissait de fort mé chante humeur , b ousculant les meubles, gr ommelant
des p ar oles entr e coup é es. Puis, elle alla se planter à la p orte de la r ue ,
allong e ant le cou, r eg ardant au loin la place de la Sous-Préfe ctur e . Après
quelques minutes d’aente , elle vint sur le p er r on, criant :
― Alor s, monsieur Mour et ne r entr era p as dîner ?
― Si, Rose