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P I ERRE LO T I
L’I N DE (SANS LES
ANGLAIS)
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
L’I N DE (SANS LES
ANGLAIS)
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1104-1
BI BEBO OK
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sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A U P RÉSI DEN T K RÜGER
A UX H ÉROS DU T RANSV AAL
Je dédie ce livre, pour joindre mon humble tribut à l’hommage
immense et unanime de tout ce qui, de nos jours, a encore un
cœur, ou seulement une conscience !
P I ERRE LO T I.
1Pr emièr e p artie
EN ROU T E V ERS L’I N DE
2, mer Roug e . D e la lumièr e , de la lumièr e , tant de
lumièr e que l’ on admir e et l’ on s’étonne , comme si, au sortirM d’une espè ce de demi-nuit, les y eux s’ ouv raient davantag e ,
v o yaient plus clair , toujour s plus clair . — Et très vite le chang ement s’ est
fait, av e c ces navir es d’aujourd’hui, que le v ent n’influence plus, qui v ous
pr ennent à l’automne du Nord p our v ous amener sans transition au p
erp étuel été d’ici.
Sur les e aux plus bleues, dansent des frang es d’ar g ent qui brillent. Et le
ciel semble s’êtr e éloigné de la ter r e , les nuag es plus dessinés y p araissent
plus susp endus dans le vide ; des pr ofondeur s se ré vèlent, on plong e plus
avant dans les lointains, on conçoit mieux les esp aces.
T oujour s plus de lumièr e . V raiment les y eux se dilatent et se meent
au p oint p our p er ce v oir plus de ray ons et plus de couleur s. . . Alor s, avant
cela, on n’y v o yait donc p as bien ? . . . D e quelles ténèbr es donc vient-on de
sortir ? Et quelle est cee fête de clartés blanches ou de clartés d’ or , qui, en
silence et sans qu’ on l’ait commandé e , a l’air de p artout commencer ? . . .
Ici, dans le vieil Orient des tomb e aux, sur la p oussièr e des
humanités disp ar ues, elle dur e sans trê v e , la mor ne fête ; seulement on l’ oublie ,
sitôt que l’ on s’ en r etour ne v er s le Nord, et c’ est une sur prise ensuite ,
3L’Inde (sans les Anglais) Chapitr e
chaque fois que l’ on r e vient dans ces climats, de la r etr ouv er p ar eille .
T oujour s elle ray onne sur ces mêmes vieux g olfes chauds et languides,
sur ces mêmes vieux rivag es de granit ou de sable , sur ces r uines, sur ce
monde de pier r es mortes qui g arde le my stèr e des races bibliques et des
r eligions ancestrales, — tellement que , dans nos imaginations d’un jour ,
elle s’asso cie , la mor ne fête de lumièr e , aux antiques lég endes sacré es, et
que toutes ces choses ar riv ent à nous donner des illusions de stabilité , de
duré e pr esque sans commencement et ne de vant p as finir . . .
Or , tout ce p assé biblique , dont l’antiquité r elativ e nous fait illusion
et nous donne confiance , est né d’hier , si on le comp ar e un p eu aux
effr o yables p assés du Cosmos. Et tout ce ray onnement, p our nous sup erb e
et dont nos y eux s’ eniv r ent, n’ est que l’ effet transitoir e de notr e p etit
soleil, en v oie de lentement s’éteindr e , sur une zone encor e privilégié e de
l’infime p etite T er r e , qui se tient tout près de lui, tout près, comme p ar
ter r eur du fr oid et de l’ obscurité où là-bas r oulent, dans de plus vastes
orbites, de moins néglig e ables planètes. Ce bleu, sur le quel se joue
l’incessante fantasmag orie des nuag es, et qui nous semble pr ofond, n’ est qu’un
v oile si mince , étendu p our tr omp er nos y eux et nous cacher du noir ;
non, tout cela n’ est rien ; ce qui est v rai, c’ est ce noir caché der rièr e . Ce
qui est éter nel, ce qui est souv erain, ce qui ne commence ni ne finit, c’ est
ce noir , ce vide noir , où jamais, jamais, aux siè cles des siè cles, ne s’ar
rêtera la chute silencieuse des mondes.
††
Encor e sept ou huit jour s de r oute , au milieu de tout ce bleu lumineux
du ciel et de la mer , et je toucherai au but de mon v o yag e .
A v e c quelle inquiétude de ne rien tr ouv er , av e c quelle crainte des
déceptions finales, je m’ en vais là , dans cee Inde , b er ce au de la p ensé e
humaine et de la prièr e , non plus comme jadis p our y fair e escale friv ole ,
mais, cee fois, p our y demander la p aix aux dép ositair es de la sag esse
ar y enne , les supplier qu’ils me donnent, à défaut de l’ineffable esp oir
chrétien qui s’ est é vanoui, au moins leur cr o yance , plus sé vèr e , en une
pr olong ation indéfinie des âmes. . .
††
Maintenant v oici le dé clin magnifique du jour . Encor e un instant, et
nous p erdr ons de v ue notr e soleil — d’ entr e les innombrables soleils,
ce4L’Inde (sans les Anglais) Chapitr e
lui qui nous tient et nous air e dans le v ertig e de son éter nelle chute . Le
v er sant de T er r e où nous sommes va se tour ner v er s le grand noir , v er s
l’infini des ténèbr es dont nous conce v r ons un p eu mieux l’ép ouvante tout
à l’heur e , à trav er s les transp ar ences de l’air no ctur ne . Mais d’ab ord
subissons la magie des soir s, r eg ardons flamb er les cuiv r es r oses du
couchant. A l’ est, au-dessus de la mer , très haut sur l’horizon, une chaîne de
montagnes désertes et désolé es, tout en granit sanglant, se met à é
clair er r oug e comme une braise : c’ est le Sinaï, le Serbal et l’Hor eb . Alor s,
de nouv e au la grandeur des traditions mosaïques s’imp ose à notr e esprit,
que tant d’héré dités successiv es ont prép aré p our un r eligieux r esp e ct.
Mais les cimes ardentes, natur ellement, ne tardent p as à s’éteindr e .
D er rièr e les e aux, le soleil est tombé , et la courte fé erie du soir est finie .
Le Sinaï, le Serbal et l’Hor eb , dans les gris du crépuscule , s’ effacent et se
p erdent. On ne les v oit même plus, — et qu’étaient-ils, en somme , que des
arêtes de pier r es quelconques, à la surface ter r estr e , agrandies seulement
dans nos rê v es p ar la suprême p o ésie de l’Ex o de ? . . .
La nuit immense et ser eine va bientôt r endr e de plus justes pr op
ortions à toutes choses. D éjà s’indiquent, dans l’incommensurable esp ace ,
les p euplades er rantes des soleils. Et la notion nous r e vient, du vide noir
où ils tomb ent tous et où nous tomb ons aussi — dans l’ effréné sillag e de
l’un quelconque d’ entr e eux. A utour de celui-là qui nous entraîne , oh !
la cour se misérable que four nissent nos p etites planètes, pré cipité es sur
lui sans p ouv oir l’aeindr e jamais, et ainsi, affolé es p ar l’énor me v
oisinag e , dé crivant jusqu’à la consommation des temps leur furieuse spirale ,
au lieu de r ouler plus libr ement dans l’abîme , comme font tous ces soleils.
A ucun nuag e nulle p art, du zénith à l’horizon, la même limpidité
merv eilleuse : le v oici donc dé v oilé autant qu’il puisse l’êtr e à nos y eux,
ce vide sans b or nes où les monstr ueux univ er s tomb ent p ar my riades,
tomb ent, tomb ent, rapides comme les g ouelees d’une incessante pluie
de feu. Et cep endant, av e c la nuit, un ap aisement délicieux descend p our
nous du ciel étoilé . On dirait une sollicitude , une pitié d’ en haut, qui p eu
à p eu s’ép andraient sur nos âmes p ardonné es. . .
Mon Dieu, puissent-ils un p eu m’ en convaincr e , de cee sollicitude et
de cee pitié , les Sag es de l’Inde , auprès desquels je m’ en vais