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ÉMI LE ZOLA
J’A CCUSE !
Ler e à M. Félix Faur e , président de la République
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
J’A CCUSE !
Ler e à M. Félix Faur e , président de la République
1898
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0237-7
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.LET T RE A M. F ELIX F A U RE
P RÉSI DEN T DE LA
RÉP U BLIQU E
ONSI EU R LE P RÉSI DEN T ,
M Me p er meez-v ous, dans ma gratitude p our le bienv eillant
accueil que v ous m’av ez fait un jour , d’av oir le souci de v otr e juste gloir e
et de v ous dir e que v otr e étoile , si heur euse jusqu’ici, est menacé e de la
plus honteuse , de la plus ineffaçable des taches ?
V ous êtes sorti sain et sauf des basses calomnies, v ous av ez conquis
les cœur s. V ous app araissez ray onnant dans l’ap othé ose de cee fête p
atriotique que l’alliance r usse a été p our la France , et v ous v ous prép ar ez
à présider au solennel triomphe de notr e Exp osition univ er selle , qui
cour onnera notr e grand siè cle de travail, de vérité et de lib erté . Mais quelle
tache de b oue sur v otr e nom — j’allais dir e sur v otr e règne — que cee
ab ominable affair e Dr e yfus ! Un conseil de guer r e vient, p ar ordr e , d’ oser
acquier un Esterhazy , soufflet suprême à toute vérité , à toute justice . Et
c’ est fini, la France a sur la joue cee souillur e , l’histoir e é crira que c’ est
1J’accuse ! Chapitr e
sous v otr e présidence qu’un tel crime so cial a pu êtr e commis.
Puisqu’ils ont osé , j’ oserai aussi, moi. La vérité , je la dirai, car j’ai pr
omis de la dir e , si la justice , régulièr ement saisie , ne la faisait p as, pleine et
entièr e . Mon de v oir est de p arler , je ne v eux p as êtr e complice . Mes nuits
seraient hanté es p ar le sp e ctr e de l’inno cent qui e xpie là-bas, dans la plus
affr euse des tortur es, un crime qu’il n’a p as commis.
Et c’ est à v ous, Monsieur le Président, que je la crierai, cee vérité ,
de toute la for ce de ma ré v olte d’honnête homme . Pour v otr e honneur , je
suis convaincu que v ous l’ignor ez. Et à qui donc dénoncerai-je la tourb e
malfaisante des v rais coup ables, si ce n’ est à v ous, le pr emier magistrat
du p ay s ?
††
La vérité d’ab ord sur le pr o cès et sur la condamnation de Dr e yfus.
Un homme néfaste a tout mené , a tout fait, c’ est le lieutenant-colonel
du Paty de Clam, alor s simple commandant. Il est l’affair e Dr e yfus tout
entièr e ; on ne la connaîtra que lor squ’une enquête lo yale aura établi
neement ses actes et ses r esp onsabilités. Il app araît comme l’ esprit le
plus fumeux, le plus compliqué , hanté d’intrigues r omanesques, se
complaisant aux mo y ens des r omans-feuilletons, les p apier s v olés, les ler es
anony mes, les r endez-v ous dans les endr oits déserts, les femmes my
stérieuses qui colp ortent, de nuit, des pr euv es accablantes. C’ est lui qui
imagina de dicter le b order e au à Dr e yfus ; c’ est lui qui rê va de l’étudier
dans une piè ce entièr ement r e vêtue de glaces ; c’ est lui que le
commandant For zinei nous r eprésente ar mé d’une lanter ne sourde , v oulant se
fair e intr o duir e près de l’accusé endor mi, p our pr ojeter sur son visag e
un br usque flot de lumièr e et sur pr endr e ainsi son crime , dans l’émoi du
ré v eil. Et je n’ai p as à tout dir e , qu’ on cher che , on tr ouv era. Je dé clar e
simplement que le commandant du Paty de Clam, char g é d’instr uir e
l’affair e Dr e yfus, comme officier judiciair e , est, dans l’ ordr e des dates et des
r esp o nsabilités, le pr emier coup able de l’ effr o yable er r eur judiciair e qui a
été commise .
Le b order e au était depuis quelque temps déjà entr e les mains du
colonel Sandher r , dir e cteur du bur e au des r enseignements, mort depuis de
p araly sie g énérale . D es « fuites » avaient lieu, des p apier s disp araissaient,
comme il en disp araît aujourd’hui encor e ; et l’auteur du b order e au était
2J’accuse ! Chapitr e
r e cher ché , lor squ’un a priori se fit p eu à p eu que cet auteur ne p ouvait
êtr e qu’un officier de l’état-major , et un officier d’artillerie : double
err eur manifeste , qui montr e av e c quel esprit sup erficiel on avait étudié ce
b order e au, car un e x amen raisonné démontr e qu’il ne p ouvait s’agir que
d’un officier de tr oup e . On cher chait donc dans la maison, on e x aminait
les é critur es, c’était comme une affair e de famille , un traîtr e à sur pr endr e
dans les bur e aux mêmes, p our l’ en e xpulser . Et, sans que je v euille r efair e
ici une histoir e connue en p artie , le commandant du Paty de Clam entr e
en scène , dès qu’un pr emier soup çon tomb e sur Dr e yfus. A p artir de ce
moment, c’ est lui qui a inv enté Dr e yfus, l’affair e de vient son affair e , il se
fait fort de confondr e le traîtr e , de l’amener à des av eux complets. Il y a
bien le ministr e de la guer r e , le g énéral Mer cier , dont l’intellig ence semble
mé dio cr e ; il y a bien le chef de l’état-major , le g énéral de Boisdeffr e , qui
p araît av oir cé dé à sa p assion cléricale , et le sous-chef de l’état-major , le
g énéral Gonse , dont la conscience a pu s’accommo der de b e aucoup de
choses. Mais, au fond, il n’y a d’ab ord que le commandant du Paty de
Clam, qui les mène tous, qui les hy pnotise , car il s’ o ccup e aussi de
spiritisme , d’ o ccultisme , il conv er se av e c les esprits. On ne saurait conce v oir
les e xp ériences aux quelles il a soumis le malheur eux Dr e yfus, les pièg es
dans lesquels il a v oulu le fair e tomb er , les enquêtes folles, les
imaginations monstr ueuses, toute une démence torturante .
Ah ! cee pr emièr e affair e , elle est un cauchemar , p our qui la connaît
dans ses détails v rais ! Le commandant du Paty de Clam ar rête Dr e yfus, le
met au se cr et. Il court chez madame Dr e yfus, la ter r orise , lui dit que si elle
p arle , son mari est p erdu. Pendant ce temps, le malheur eux s’ar rachait la
chair , hurlait son inno cence . Et l’instr uction a été faite ainsi, comme dans
une chr onique du X V ᵉ siè cle , au milieu du my stèr e , av e c une complication
d’ e xp é dients far ouches, tout cela basé sur une seule char g e enfantine , ce
b order e au imbé cile , qui n’était p as seulement une trahison v ulg air e , qui
était aussi la plus impudente des escr o queries, car les fameux se cr ets
liv rés se tr ouvaient pr esque tous sans valeur . Si j’insiste , c’ est que l’ œuf
est ici, d’ où va sortir plus tard le v rai crime , l’ép ouvantable déni de
justice dont la France est malade . Je v oudrais fair e toucher du doigt comment
l’ er r eur judiciair e a pu êtr e p ossible , comment elle est né e des
machinations du commandant du Paty de Clam, le g énéral Mer cier , les
3J’accuse ! Chapitr e
g énéraux de Boisdeffr e et Gonse ont pu s’y laisser pr endr e , eng ag er p eu à
p eu leur r esp onsabilité dans cee er r eur , qu’ils ont cr u de v oir , plus tard,
imp oser comme la vérité sainte , une vérité qui ne se discute même p as.
A u début, il n’y a donc, de leur p art, que de l’incurie et de l’inintellig ence .
T out au p