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ÉMI LE ZOLA
GERMI NAL
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
GERMI NAL
1885
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0236-0
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.Pr emièr e p artie
1CHAP I T RE I
rase , sous la nuit sans étoiles, d’une obscurité et
d’une ép aisseur d’ encr e , un homme suivait seul la grande r outeD de Mar chiennes à Montsou, dix kilomètr es de p avé coup ant tout
dr oit, à trav er s les champs de b eerav es. D e vant lui, il ne v o yait même
p as le sol noir , et il n’avait la sensation de l’immense horizon plat que p ar
les souffles du v ent de mar s, des rafales lar g es comme sur une mer ,
glacé es d’av oir balayé des lieues de marais et de ter r es nues. A ucune ombr e
d’arbr e ne tachait le ciel, le p avé se dér oulait av e c la r e ctitude d’une jeté e ,
au milieu de l’ embr un av euglant des ténèbr es.
L’homme était p arti de Mar chiennes v er s deux heur es. Il mar chait
d’un p as allong é , gr eloant sous le coton aminci de sa v este et de son
p antalon de v elour s. Un p etit p aquet, noué dans un mouchoir à car r e aux,
le gênait b e aucoup ; et il le ser rait contr e ses flancs, tantôt d’un coude ,
tantôt de l’autr e , p our glisser au fond de ses p o ches les deux mains à la
fois, des mains g ourdes que les lanièr es du v ent d’ est faisaient saigner . Une
2Ger minal Chapitr e I
seule idé e o ccup ait sa tête vide d’ ouv rier sans travail et sans gîte , l’ esp oir
que le fr oid serait moins vif après le le v er du jour . D epuis une heur e ,
il avançait ainsi, lor sque sur la g auche , à deux kilomètr es de Montsou,
il ap er çut des feux r oug es, tr ois brasier s brûlant au plein air , et comme
susp endus. D’ab ord, il hésita, pris de crainte ; puis, il ne put résister au
b esoin doulour eux de se chauffer un instant les mains.
Un chemin cr eux s’ enfonçait. T out disp ar ut. L’homme avait à dr oite
une p alissade , quelque mur de gr osses planches fer mant une v oie
ferré e ; tandis qu’un talus d’herb e s’éle vait à g auche , sur monté de pignons
confus, d’une vision de villag e aux toitur es basses et unifor mes. Il fit
envir on deux cents p as. Br usquement, à un coude du chemin, les feux r
ep ar ur ent près de lui, sans qu’il comprit davantag e comment ils brûlaient
si haut dans le ciel mort, p ar eils à des lunes fumeuses. Mais, au ras du
sol, un autr e sp e ctacle v enait de l’ar rêter . C’était une masse lourde , un
tas é crasé de constr uctions, d’ où se dr essait la silhouee d’une cheminé e
d’usine ; de rar es lueur s sortaient des fenêtr es encrassé es, cinq ou six
lanter nes tristes étaient p endues dehor s, à des char p entes dont les b ois
noircis alignaient vaguement des pr ofils de tréte aux gig antesques ; et, de cee
app arition fantastique , no yé e de nuit et de fumé e , une seule v oix
montait, la r espiration gr osse et longue d’un é chapp ement de vap eur , qu’ on
ne v o yait p oint.
Alor s, l’homme r e connut une fosse . Il fut r epris de honte : à quoi b on ?
il n’y aurait p as de travail. A u lieu de se dirig er v er s les bâtiments, il se
risqua enfin à gravir le ter ri sur le quel brûlaient les tr ois feux de houille ,
dans des corb eilles de fonte , p our é clair er et ré chauffer la b esogne . Les
ouv rier s de la coup e à ter r e avaient dû travailler tard, on sortait encor e les
débris inutiles. Maintenant, il entendait les moulineur s p ousser les trains
sur les tréte aux, il distinguait des ombr es vivantes culbutant les b erlines,
près de chaque feu.
― Bonjour , dit-il en s’appr o chant d’une des corb eilles.
T our nant le dos au brasier , le char r etier était deb out, un vieillard vêtu
d’un tricot de laine violee , coiffé d’une casquee en p oil de lapin ; p
endant que son che val, un gr os che val jaune , aendait, dans une immobilité
de pier r e , qu’ on eût vidé les six b erlines monté es p ar lui. Le manœuv r e
emplo yé au culbuteur , un g aillard r oux et efflanqué , ne se pr essait guèr e ,
3Ger minal Chapitr e I
p esait sur le le vier d’une main endor mie . Et, là-haut, le v ent r e doublait,
une bise glaciale , dont les grandes haleines régulièr es p assaient comme
des coups de faux.
― Bonjour , rép ondit le vieux.
Un silence se fit. L’homme , qui se sentait r eg ardé d’un œil méfiant, dit
son nom tout de suite .
― Je me nomme Étienne Lantier , je suis machineur . . . Il n’y a p as de
travail ici ?
Les flammes l’é clairaient, il de vait av oir vingt et un ans, très br un, joli
homme , l’air fort malgré ses membr es menus.
Rassuré , le char r etier ho chait la tête .
― Du travail p our un machineur , non, non. . . Il s’ en est encor e
présenté deux hier . Il n’y a rien.
Une rafale leur coup a la p ar ole . Puis, Étienne demanda, en montrant
le tas sombr e des constr uctions, au pie d du ter ri :
― C’ est une fosse , n’ est-ce p as ?
Le vieux, cee fois, ne put rép ondr e . Un violent accès de toux
l’étranglait. Enfin, il cracha, et son crachat, sur le sol emp our pré , laissa une tache
noir e .
― Oui, une fosse , le V or eux. . . T enez ! le cor on est tout près.
A son tour , de son bras tendu, il désignait dans la nuit le villag e dont
le jeune homme avait de viné les toitur es. Mais les six b erlines étaient
vides, il les suivit sans un claquement de fouet, les jamb es raidies p ar des
rhumatismes ; tandis que le gr os che val jaune r ep artait tout seul, tirait
p esamment entr e les rails, sous une nouv elle b our rasque , qui lui hérissait
le p oil.
Le V or eux, à présent, sortait du rê v e . Étienne , qui s’ oubliait de vant
le brasier à chauffer ses p auv r es mains saignantes, r eg ardait, r etr ouvait
chaque p artie de la fosse , le hang ar g oudr onné du criblag e , le b effr oi du
puits, la vaste chambr e de la machine d’ e xtraction, la tour elle car ré e de
la p omp e d’épuisement. Cee fosse , tassé e au fond d’un cr eux, av e c ses
constr uctions trapues de briques, dr essant sa cheminé e comme une cor ne
menaçante , lui semblait av oir un air mauvais de bête g oulue , accr oupie
là p our mang er le monde . T out en l’ e x aminant, il song e ait à lui, à son
e xistence de vag ab ond, depuis huit jour s qu’il cher chait une place ; il se
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r e v o yait dans son atelier du chemin de fer , giflant son chef, chassé de
Lille , chassé de p artout ; le same di, il était ar rivé à Mar chiennes, où l’ on
disait qu’il y avait du travail, aux For g es ; et rien, ni aux For g es, ni chez
Sonne ville , il avait dû p asser le dimanche caché sous les b ois d’un chantier
de char r onnag e , dont le sur v eillant v enait de l’ e xpulser , à deux heur es de
la nuit. Rien, plus un sou, p as même une cr oûte : qu’allait-il fair e ainsi p ar
les chemins, sans but, ne sachant seulement où s’abriter contr e la bise ?
Oui, c’était bien une fosse , les rar es lanter nes é clairaient le car r e au, une
p orte br usquement ( br usquemment) ouv erte lui avait p er mis d’ entr e v oir
les fo y er s des g énérateur s, dans une clarté viv e . Il s’ e xpliquait jusqu’à
l’é chapp ement de la p omp e , cee r espiration gr osse et longue , soufflant
sans r elâche , qui était comme l’haleine eng or