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JOH N- AN T OI N E NA U
FORCE EN N EMI E
BI BEBO O KJOH N- AN T OI N E NA U
FORCE EN N EMI E
1904
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1133-1
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A V ERT ISSEMEN T
amis inconnus qui v oudr ont bien me, ou plutôt nous, lir e
de ne p as ré clamer , d’ur g ence , mon inter nement à Sainte- AnneJ ou dans tout autr e asile .
Je n’ai collab oré à ce v olume que dans les pr op ortions les plus mo destes.
Force Ennemie est en ré alité l’ œuv r e d’un aliéné à demi-lucide que j’ai pu
souv ent et longuement visiter et qui me char g e a, p eu de temps avant sa
mort, de publier sa pr ose après l’av oir revue .
Or , mes r etouches n’ ont p orté que sur des détails. Le fond demeur e
p arfaitement insane malgré une app ar ence de suite dans les idé es. C’ est
p eut-êtr e , à mon humble avis, ce qui r endra l’ ouv rag e curieux, v oir e
intér essant, p our des le cteur s doués de quelque indulg ence .
Je me hâte de dé clar er que je n’ai v u, de ma vie , une maison de santé
p ar eille ou seulement analogue à celle dont le vrai auteur nous entr etient.
Certes, j’ai visité b on nombr e de ces établissements, j’ai causé av e c for ce
mé de cins-aliénistes, g ardiens et g ardiennes ; mais je puis jur er que je n’ai
jamais r encontré ni un D ʳ Bid’homme , ni une Célestine Bouffard, ni un
Le Lancier , ni un Bar r oug e , ni une Aricie Robinet.
J’ai toujour s v u les déments et démentes bien traités et soignés av e c
dé v ouement ou tout au moins av e c le zèle conv enable . Encor e une fois,
1For ce ennemie Chapitr e
le liv r e a été é crit p ar un fou raisonnant mais sujet à caution.
Mon habituelle mo destie — encor e p eu notoir e — mais que le public
aura, je l’ espèr e , mainte o ccasion d’appré cier dans un pr o chain av enir , —
me p ousse à fair e aux amis le cteur s une der nièr e r e commandation.
and ils dé couv rir ont, p ar hasard, dans les p ag es qui suiv ent, un
p assag e bien é crit, des finesses d’ e xpr ession, une phrase dénotant de la
délicatesse de sentiments, de la hauteur morale , — une b elle âme , enfin !
— qu’ils n’hésitent p as une se conde à m’aribuer le p assag e , les finesses,
la phrase . . …
and, au contrair e , ils ser ont cho qués p ar un style bas ou impr opr e ,
des idé es bar o ques ou banales, des scènes plus ou moins indé centes ou
gr ossièr es, des longueur s, des platitudes, — qu’ils en r endent r esp onsable
le mauvais fou, le vilain fou !
Je suis d’autant plus noble et g énér eux en agissant ainsi que je r e
connais, dès lor s, la p art de travail du défunt et p eu r egr eable aliéné comme
ég ale aux neuf dixièmes et demi du v olume .
J. AN T . NA U .
Huelva, 28 juin 1902.
n
2Pour mon cher B. Moussier.
3Pr emièr e p artie
4CHAP I T RE I
! Certes, je connais cee chambr e , mais il
me semble bien qu’il y a des mois, p eut-êtr e des anné es que jeQ ne l’ai v ue !
Ces p ar ois de planches jaunes, ciré es, m’ ont été jadis assez familièr es ;
mais p our quoi les av oir capitonné es depuis le p ar quet jusqu’à hauteur
d’homme av e c d’ép ais, d’énor mes matelas r e couv erts de drap gris, — de
« drap de wag on » ?
La lumièr e doré e du matin flue p ar une lar g e fenêtr e grillé e aux
barr e aux mé dio cr ement ser rés.
V o y ons : en me le vant, en allant r eg arder p ar une vitr e , je suis sûr
que je vais ap er ce v oir un grand bâtiment blanc, luisant, comme stuqué ,
un vaste jardin raidement dessiné p ar un sous-Lenôtr e contemp orain et
une sorte de tour en b ois ( ¹ ) toute plissé e de lamelles de jalousies.
1. J’ai su plus tard que c’était un sé choir !
5For ce ennemie Chapitr e I
Eh oui ! c’ est bien cela ! Et je r e connais, là-bas, cee colline frisé e de
b osquets ; plus près, ce p etit clo cher frêle d’un gris doux que r osit un
p eu la v erdur e ; et, sur cee bue r oug eâtr e , l’ o r me solitair e qui p araît
g é ant. Comment tout ce p ay sag e p eut-il m’affe cter à la même minute —
et comme un sp e ctacle habituel et comme une vision p erdue dans le vague
des temps ? Singulièr e contradiction qui me tr ouble d’une bizar r e
inquiétude : serais-je de v enu très vieux sans le sav oir ? A urais-je sommeillé
des lustr es ou un siè cle ? Suis-je une espè ce de très ridicule , de très vilain
« Be au au b ois dor mant » ?
Ces soes idé es m’écrasent d’une si lourde tristesse , d’une si oppr
essante « pesadumbre », — diraient les Esp agnols, — que je v eux tout oublier ,
de nouv e au.
Je me r e couche , laisse tomb er ma tête sur l’ or eiller et fer me les y eux. . .
A moi les b ons menteur s de song es ou la divine inconscience !
. . . Cllacc — fffrrr. . . Ce br uit dur , — autoritair e et menaçant, dirait-on,
— me ter rifie au p oint de me p araly ser . C’ est à p eine si j’ ose entr’ ouv rir
les p aupièr es et ce que j’ap er çois ne me rassur e nullement : un guichet
bé e dans la b oiserie , au-dessus de ma tête ; deux y eux bleus très pâles me
dé visag ent, — av e c fér o cité , me figurè-je . Mais bientôt j’ai honte de ma
couardise , je me dr esse sur mon sé ant et crie d’une v oie aussi for midable
que p ossible :
― ’ est-ce que v ous f. . .ichez là ? V oulez-v ous bien me laisser
dormir et aller espionner ailleur s !
L’ ouv ertur e du guichet est de b elles dimensions. Une tête en sort qui
fait une grimace de pitié , — une tête tr oué e des étrang es y eux pâles, —
or né e d’un mince nez en b e c de p er r o quet et de longues moustaches
tombantes, plus jaunes que la p ar oi. Elle ouv r e une b ouche que tord un assez
laid rictus e xhibant une dentition mordoré e , — à p etits créne aux — et
pr oèr e des sons :
― Y a p as d’ offense de ma p art et je suis heur eux de v oir que ça va
mieux « de la vôtr e ». Si « Monsieur » v eut « kekchose », je vais « vous » le
sercher.
― D onnez-moi à mang er . . . n’imp orte quoi ! Mais aup aravant. . . p our
riezv ous me dir e ce que je fais ici ?
― D ans un e stant. . . je vais v ous e z pliquer . . .
6For ce ennemie Chapitr e I
L’homme r efer me son « guignol » et le v oilà p arti.
Dix minutes plus tard j’ entends des grincements de v er r ous et le lourd
clap otis d’une gr osse ser r ur e .
Le p ossesseur des y eux pâles et de la moustache jaune entr e , agite des
clefs g é antes, r ep ousse la p orte et s’appr o che de mon lit, un plate au à la
main.
― V oilà l’arti que demandé .
― Mer ci. Mais, maintenant, allez-v ous rép ondr e à ma question de
tout-à-l’heur e ?
― T out de suite . . . D’ab ord, que « Monsieur » mang e .
― Bon, je ne demande p as mieux. . . V o y ez ! Parlez à présent ! où
m’at-on four ré ? Je v ois que je n