The Project Gutenberg Etext of Candideby Voltaire(#6 in our series by Voltaire)Copyright laws are changing all over the world. Be sure to check thecopyright laws for your country before downloading or redistributingthis or any other Project Gutenberg file.Please do not remove this header information.This header should be the first thing seen when anyone starts toview the eBook. Do not change or edit it without written permission.The words are carefully chosen to provide users with the informationneeded to understand what they may and may not do with the eBook.To encourage this, we have moved most of the information to the end,rather than having it all here at the beginning.**Welcome To The World of Free Plain Vanilla Electronic Texts****eBooks Readable By Both Humans and By Computers, Since 1971*******These eBooks Were Prepared By Thousands of Volunteers!*****Information on contacting Project Gutenberg to get eBooks, andfurther information, is included below. We need your donations.The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a 501(c)(3)organization with EIN [Employee Identification Number] 64-6221541Find out about how to make a donation at the bottom of this file.Title: CandideAuthor: VoltaireRelease Date: November, 2003 [Etext #4650][Yes, we are more than one year ahead of schedule][This file was first posted on February 20, 2002]Edition: 10Language: FrenchCharacter set encoding: ISO-Latin-1The Project Gutenberg Etext of ...
The Project Gutenberg Etext of Candide by Voltaire (#6 in our series by Voltaire) Copyright laws are changing all over the world. Be sure to check the copyright laws for your country before downloading or redistributing this or any other Project Gutenberg file. Please do not remove this header information. This header should be the first thing seen when anyone starts to view the eBook. Do not change or edit it without written permission. The words are carefully chosen to provide users with the information needed to understand what they may and may not do with the eBook. To encourage this, we have moved most of the information to the end, rather than having it all here at the beginning.
**Welcome To The World of Free Plain Vanilla Electronic Texts** **eBooks Readable By Both Humans and By Computers, Since 1971** *****These eBooks Were Prepared By Thousands of Volunteers!***** Information on contacting Project Gutenberg to get eBooks, and further information, is included below. We need your donations. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a 501(c)(3) organization with EIN [Employee Identification Number] 64-6221541 Find out about how to make a donation at the bottom of this file.
Title: Candide Author: Voltaire Release Date: November, 2003 [Etext #4650] [Yes, we are more than one year ahead of schedule] [This file was first posted on February 20, 2002] Edition: 10 Language: French Character set encoding: ISO-Latin-1 The Project Gutenberg Etext of Candide by Voltaire ******This file should be named candi10.txt or candi10.zip****** Corrected EDITIONS of our etexts get a new NUMBER, candi11.txt VERSIONS based on separate sources get new LETTER, candi10a.txt Project Gutenberg eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the US unless a copyright notice is included. Thus, we usually do not keep eBooks in compliance with any particular paper edition. The "legal small print" and other information about this book may now be found at the end of this file. Please read this important information, as it gives you specific rights and tells you about restrictions in how the file may be used. ***
Produced by Carlo Traverso We thank the Bibliotheque Nationale de France that has made available the image files at www://gallica.bnf.fr, authorizing the preparation of the etext through OCR. Nous remercions la Biblioth�que Nationale de France qui a mis� dispositions les images dans www://gallica.bnf.fr, et a donn� l'authorization�les utilizer pour preparer ce texte.
OEUVRES DE VOLTAIRE. TOME XXXIII DE L' IMPRIMERIE DE A. FIRMIN DIDOT, RUE JACOB, N�24.
OEUVRES DE VOLTAIRE PR�FACES, AVERTISSEMENTS, NOTES, ETC. PAR M. BEUCHOT. TOME XXXIII. ROMANS. TOME I. A PARIS, CHEZ LEF�VRE, LIBRAIRE, RUE DE L'�PERON, K� ET LEQUIEN FILS,6. WERDET RUE DU BATTOIR, N�2O. MDCCCXXIX.
CANDIDE, ou L'OPTIMISME.
Pr�face de l'�diteur
Candide parut au plus tard en mars 1759. Le roi de Prusse en _ _ accuse r�ception par sa lettre du 28 du mois d'avril. Voltaire en avait envoy�le manuscrit�la duchesse de La Valli�re, qui lui fit r�pondre qu'il aurait pu se passer d'y mettre tant d'ind�cences, et qu'un�crivain tel que lui n'avait pas besoin d'avoir recours�cette ressource pour se procurer des lecteurs. Beaucoup d'autres personnes furent scandalis� , etes de Candide _ _ Voltaire d�savoua cet ouvrage, qu'il appelle lui-m�me une co� ne faut pas, au reste, prendreonnerie. Il�la lettre son titre d'optimisme. L'optimisme, dit-il ailleurs[1], n'est qu'une fatalit�d�sesp�rante. _ _ _ _ [1] Hom�lie sur l'ath�isme . les Voyez M�langes , ann�e _ 1767; et aussi, tome XII, une des notes du troisi�me Discours _ sur l'homme .
Voltaire�crivit, sous le nom de Mead, une lettre relative� _ _ Candide, qui fut ins�r�e dans le Journal encyclop�dique , du 15 juillet 1759: on la trouvera dans les M�langes,�cette date. C'est�Thorel de Campigneulles, mort en 1809, qu'�n attribue _ _ une Seconde partie de Candide , publi�e en 1761, et plusieurs fois r�imprim�e�la suite de l'ouvrage de Voltaire, comme�tant de lui. On l'a m�me admise dans une�dition intitul�e : _ _ Collection compl�te des Oeuvres de M, de Voltaire, 1764, in-12 . L'�dition de Candide, 1778, avec des figures dessin�es et grav�es par Daniel Chodowicky, contient les deux parties. _ _ Le Remerc�ment de Candide� Marconnay) estM. de Voltaire (par de 1760. _ Linguet publia, en 1766, la Cacomonade, histoire politique et morale, traduite de l'allemand, du docteur Pangloss, par le _ docteur lui-m�me, depuis son retour de Constantinople , 1766, in-12; nouvelle�dition, augment�e d'une lettre du m�me auteur, 1766, in-12. Un arr�t de la cour royale de Paris, du 16 novembre _ _ 1822 (ins�r�dans le Moniteur du 26 mars 1825), ordonne la _ destruction de la Canonnade, ou Histoire du Mal de Naples, par _ Linguet . Ce n'est pas la premi�re fois que les ouvrages condamn�s sont mal d�sign�s dans les jugements. L'arr�t de la cour du parlement, du 6 ao�t 1761, ordonne de lac�rer et br�ler le tome XIII du Commentaire de Salmeron, qui n'a que quatre volumes. _ _ Candide en Danemarck, ou l'Optimisme des honn�tes gens , est d'un auteur qu'on ne conna�t pas. _ _ Antoine Bernard et Rosalie, ou le Petit Candide , a paru en 1796, un volume in-i8. _ Le Voyage de Candide fils au pays d'Eldorado, vers la fin du dix-huiti�me si�cle, pour servir de suite aux aventures de M. son _ p�re , an XI-1803, a deux volumes in-8�. _ _ Le chapitre XXVI de Candide a�t�imit�, en 1815, par Lemontey, dans un article intitul� Carnaval de V: Le� renonc J'ainise .� _ _
�reproduire ce petit morceau, lorsque j'ai vu l'annonce des _ _ Oeuvres de Lemonley , o�sans doute on le trouvera, J.-J. Rousseau pr� Lettre sur latendait[2] que c'est sa _ Providence qui a donn�naissance� en est la Candide Candide ; _ _ _ _ _ _ r�ponse . Voltaire en avait fait une de deux pages o�il bat la _ campagne, et Candide parut dix mois apr�s . [2] Lettre de J. J. Rousseau au prince de Wirtemberg, du 11 mars 1764.
_ _ Ce que Rousseau appelle sa Lettre sur la Providence , est sa lettre�Voltaire du 18 ao�t 1756 ; la r�ponse de Voltaire est du 21 septembre 1766; Candide ne vit le jour que vingt-sept� vingt-neuf mois plus tard. ------Les notes sans signature, et qui sont indiqu�es par des lettres, sont de Voltaire. Les notes sign�es d'un K sont des�diteurs de Kehl, MM. Condorcet et Decroix. Il est impossible de faire rigoureusement la part de chacun. Les additions que j'ai faites aux notes de Voltaire ou aux notes des�diteurs de Kehl, en sont s�par�es par un--, et sont, comme mes notes, sign�es de l'initiale de mon nom. BEUCHOT. 4 octobre 1829.
CANDIDE, ou L'OPTIMISME, TRADUIT DE L'ALLEMAND DE M. LE DOCTEUR RALPH, AVEC LES ADDITIONS QU'ON A TROUV�ES DANS LA POCHE DU DOCTEUR, LORSQU'IL MOURUT �MINDEN, L'AN DE GR�CE 1759 1759
CHAPITRE I. Comment Candide fut�lev�dans un beau ch�teau, et comment il fut chass�d'icelui. Il y avait en Vestphalie, dans le ch�teau de M. le baron de
Thunder-ten-tronckh, un jeune gar�on�qui la nature avait donn� les moeurs les plus douces. Sa physionomie annon�ait son�me. Il avait le jugement assez droit, avec l'esprit le plus simple; c'est, je crois, pour cette raison qu'on le nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soup�onnaient qu'il�tait fils de la soeur de monsieur le baron et d'un bon et honn�te gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais �pouser parce qu'il n'avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre g�n�alogique avait�t� perdu par l'injure du temps. Monsieur le baron�tait un des plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son ch�teau avait une porte et des fen�tres. Sa grande salle m�me�tait orn� les chiens Touse d'une tapisserie. de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin; ses palefreniers�taient ses piqueurs; le vicaire du village�tait son grand-aum�nier. Ils l'appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il fesait des contes. Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s'attirait par l�une tr�s grande consid�ration, et fesait les honneurs de la maison avec une dignit�qui la rendait encore plus respectable. Sa fille Cun�gonde,�g�e de dix-sept ans,�tait haute en couleur, fra�che, grasse, app�tissante. Le fils du baron paraissait en tout digne de son p�re. Le pr�cepteur Pangloss[1]�tait l'oracle de la maison, et le petit Candide�coutait ses le�ons avec toute la bonne foi de son�ge et de son caract�re. [1] De pan , tout, et glossa , langue. B. _ _ _ _
Pangloss enseignait la m�taphysico-th�ologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu'il n'y a point d'effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le ch�teau de monseigneur le baron�tait le plus beau des ch�teaux, et madame la meilleure des baronnes possibles. Il est d�montr�, disait-il, que les choses ne peuvent�tre autrement; car tout�tant fait pour une fin, tout est n� bien que les nez Remarquezcessairement pour la meilleure fin. ont�t�faits pour porter des lunettes; aussi avons-nous des lunettes[2]. Les jambes sont visiblement institu�es pour�tre chauss� pierres ontes, et nous avons des chausses. Les�t� form�es pour�tre taill�es et pour en faire des ch�teaux; aussi monseigneur a un tr�s beau ch�teau: le plus grand baron de la province doit�tre le mieux log�; et les cochons�tant faits pour �tre mang�s, nous mangeons du porc toute l'ann�e: par cons�quent, ceux qui ont avanc�que tout est bien ont dit une sottise; il fallait dire que tout est au mieux. [2] Voyez tome XXVII, page 528; et dans les M�langes , ann�e _ _ 1738, le chapitre XI de la troisi�me partie des�l�ments de la _ philosophie de Newton ; et ann�e 1768, le chapitre X des _ Singularit�s de la nature . B. _ _
Candide�coutait attentivement, et croyait innocemment; car il trouvait mademoiselle Cun�gonde extr�mement belle, quoiqu'il ne pr� concluait qu'aprt jamais la hardiesse de le lui dire. Il�s le bonheur d'�tre n�baron de Thunder-ten-tronckh, le second degr�de bonheur�tait d'�tre mademoiselle Cun�gonde; le troisi�me, de la voir tous les jours; et le quatri�me, d'entendre ma�tre Pangloss, le plus grand philosophe de la province, et par
cons�quent de toute la terre. Un jour Cun�gonde, en se promenant aupr�s du ch�teau, dans le petit bois qu'on appelait parc, vit entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une le�on de physique exp�rimentale �la femme de chambre de sa m�re, petite brune tr�s jolie et tr�s docile. Comme mademoiselle Cun�gonde avait beaucoup de disposition pour les sciences, elle observa, sans souffler, les exp�riences r�it�r�es dont elle fut t�moin; elle vit clairement la raison suffisante du docteur, les effets et les causes, et s'en retourna tout agit�e, toute pensive, toute remplie du d�sir d'�tre savante, songeant qu'elle pourrait bien�tre la raison suffisante du jeune Candide, qui pouvait aussi�tre la sienne. Elle rencontra Candide en revenant au ch�teau, et rougit: Candide rougit aussi . Elle lui dit bonjour d'une voix entrecoup�e; et Candide lui parla sans savoir ce qu'il disait. Le lendemain, apr�s le d�ner, comme on sortait de table, Cun�gonde et Candide se trouv�rent derri�re un paravent; Cun�gonde laissa tomber son mouchoir, Candide le ramassa; elle lui prit innocemment la main; le jeune homme baisa innocemment la main de la jeune demoiselle avec une vivacit�, une sensibilit�, une gr�ce toute particuli�re; leurs bouches se rencontr�rent, leurs yeux s'enflamm�rent, leurs genoux trembl�rent, leurs mains s'�gar�rent. M. le baron de Thunder-ten-tronckh passa aupr�s du paravent, et voyant cette cause et cet effet, chassa Candide du ch�teau�grands coups de pied dans le derri�re. Cun�gonde s'�vanouit: elle fut soufflet�e par madame la baronne d�s qu'elle fut revenue�elle-m�me; et tout fut constern�dans le plus beau et le plus agr�able des ch�teaux possibles.
CHAPITRE II Ce que devint Candide parmi les Bulgares.
Candide, chass�du paradis terrestre, marcha longtemps sans savoir o�, pleurant, levant les yeux au ciel, les tournant souvent vers le plus beau des ch�teaux qui renfermait la plus belle des baronnettes; il se coucha sans souper au milieu des champs entre deux sillons; la neige tombait�gros flocons. Candide, tout transi, se tra�na le lendemain vers la ville voisine, qui s'appelle Valdberghoff-trarbk-dikdorff , n'ayant _ _ point d'argent, mourant de faim et de lassitude. Il s'arr�ta tristement� hommes habill Deuxla porte d'un cabaret.�s de bleu le remarqu�rent: Camarade, dit l'un, voil�un jeune homme tr�s bien fait, et qui a la taille requise; ils s'avanc�rent vers Candide et le pri�rent�d�ner tr�s civilement.--Messieurs, leur dit Candide avec une modestie charmante, vous me faites beaucoup d'honneur, mais je n'ai pas de quoi payer mon�cot.--Ah! monsieur, lui dit un des bleus, les personnes de votre figure et de votre m�rite ne paient jamais rien: n'avez-vous pas cinq pieds cinq pouces de haut?--Oui, messieurs, c'est ma taille, dit-il en fesant la r�v� mettez-vousrence.--Ah! monsieur,�table; non seulement nous vous d�fraierons, mais nous ne souffrirons jamais qu'un homme comme vous manque d'argent; les hommes ne sont faits que pour se secourir les uns les autres.--Vous avez raison, dit Candide; c'est ce que M. Pangloss m'a toujours dit, et je vois bien que tout est au mieux. On le prie d'accepter quelques�cus, il les prend et veut faire son billet; on n'en veut point, on se met�table. N'aimez-vous oui, pas tendrement?....--Oh! r�pond-il, j'aime tendrement mademoiselle Cun�gonde.--Non, dit
l'un de ces messieurs, nous vous demandons si vous n'aimez pas tendrement le roi des Bulgares?--Point du tout, dit-il, car je ne l'ai jamais vu.--Comment! c'est le plus charmant des rois, et il faut boire�sa sant�.--Oh! tr�s volontiers, messieurs. Et il boit. C'en est assez, lui dit-on, vous voil�l'appui, le soutien, le d�fenseur, le h�ros des Bulgares; votre fortune est faite, et votre gloire est assur�e. On lui met sur-le-champ les fers aux pieds, et on le m�ne au r�giment. On le fait tourner� droite,�gauche, hausser la baguette, remettre la baguette, coucher en joue, tirer, doubler le pas, et on lui donne trente coups de b�ton; le lendemain, il fait l'exercice un peu moins mal, et il ne re�oit que vingt coups; le surlendemain, on ne lui en donne que dix, et il est regard�par ses camarades comme un prodige. Candide, tout stup�fait, ne d�m�lait pas encore trop bien comment il�tait un h�ros. Il s'avisa un beau jour de printemps de s'aller promener, marchant tout droit devant lui, croyant que c'�tait un privil�ge de l'esp�ce humaine, comme de l'esp�ce animale, de se servir de ses jambes�son plaisir. n'eut pas Il fait deux lieues que voil�quatre autres h�ros de six pieds qui l'atteignent, qui le lient, qui le m� lui Onnent dans un cachot. demanda juridiquement ce qu'il aimait le mieux d'�tre fustig� trente-six fois par tout le r�giment, ou de recevoir�-la-fois douze balles de plomb dans la cervelle. Il eut beau dire que les volont�s sont libres, et qu'il ne voulait ni l'un ni l'autre, il fallut faire un choix; il se d�termina, en vertu du don de Dieu _ _ qu'on nomme libert�,�passer trente-six fois par les baguettes; il essuya deux promenades. Le r�giment�tait compos� de deux mille hommes; cela lui composa quatre mille coups de baguette, qui, depuis la nuque du cou jusqu'au cul, lui d�couvrirent les muscles et les nerfs. Comme on allait proc�der �la troisi�me course, Candide, n'en pouvant plus, demanda en gr�ce qu'on voul�t bien avoir la bont�de lui casser la t�te; il obtint cette faveur; on lui bande les yeux; on le fait mettre� genoux. Le roi des Bulgares passe dans ce moment, s'informe du crime du patient; et comme ce roi avait un grand g�nie, il comprit, par tout ce qu'il apprit de Candide, que c'�tait un jeune m�taphysicien fort ignorant des choses de ce monde, et il lui accorda sa gr�ce avec une cl�mence qui sera lou�e dans tous les journaux et dans tous les si� brave chirurgiencles. Un gu�rit Candide en trois semaines avec les�mollients enseign�s par Dioscoride. Il avait d�j�un peu de peau et pouvait marcher, quand le roi des Bulgares livra bataille au roi des Abares.
CHAPITRE III. Comment Candide se sauva d'entre les Bulgares, et ce qu'il devint.
Rien n'�tait si beau, si leste, si brillant, si bien ordonn�que les deux arm�es. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons; formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renvers�rent d'abord�peu pr�s six mille hommes de chaque c�t�; ensuite la mousqueterie�ta du meilleur des mondes environ neuf�dix mille coquins qui en infectaient la surface. La ba�onnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter�une trentaine de mille�mes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie h�ro�que.
_ _ Enfin, tandis que les deux rois fesaient chanter des Te Deum , chacun dans son camp, il prit le parti d'aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin; il�tait en cendres: c'�tait un village abare que les Bulgares avaient br�l�, selon les lois du droit public. Ici des vieillards cribl�s de coups regardaient mourir leurs femmes�gorg�es, qui tenaient leurs enfants�leurs mamelles sanglantes; l�des filles �ventr�es apr�s avoir assouvi les besoins naturels de quelques h�ros, rendaient les derniers soupirs; d'autres�demi br�l�es criaient qu'on achev� cervellest de leur donner la mort. Des �taient r�pandues sur la terre�c�t�de bras et de jambes coup�s. Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village: il appartenait�des Bulgares, et les h�ros abares l'avaient trait� de m�me. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou�travers des ruines, arriva enfin hors du th��tre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n'oubliant jamais mademoiselle Cun� provisions luigonde. Ses manqu�rent quand il fut en Hollande; mais ayant entendu dire que tout le monde�tait riche dans ce pays-l�, et qu'on y�tait chr�tien, il ne douta pas qu'on ne le trait�t aussi bien qu'il l'avait�t�dans le ch�teau de M. le baron, avant qu'il en e�t �t�chass�pour les beaux yeux de mademoiselle Cun�gonde. Il demanda l'aum�ne�plusieurs graves personnages, qui lui r�pondirent tous que, s'il continuait�faire ce m�tier, on l'enfermerait dans une maison de correction pour lui apprendre� vivre. Il s'adressa ensuite�un homme qui venait de parler tout seul une heure de suite sur la charit�dans une grande assembl�e. Cet orateur le regardant de travers lui dit: Que venez-vous faire ici? y�tes-vous pour la bonne cause? Il n'y a point d'effet sans cause, r�pondit modestement Candide; tout est encha�n� n�cessairement et arrang�pour le mieux. Il a fallu que je fusse chass�d'aupr�s de mademoiselle Cun�gonde, que j'aie pass�par les baguettes, et il faut que je demande mon pain, jusqu'�ce que je puisse en gagner; tout cela ne pouvait�tre autrement. Mon ami, lui dit l'orateur, croyez-vous que le pape soit l'antechrist? Je ne l'avais pas encore entendu dire, r�pondit Candide: mais qu'il le soit, ou qu'il ne le soit pas, je manque de pain. Tu ne m�rites pas d'en manger, dit l'autre: va, coquin, va, mis�rable, ne m'approche de ta vie. La femme de l'orateur ayant mis la t�te�la fen�tre, et avisant un homme qui doutait que le pape f�t antechrist, lui r�pandit sur le chef un plein..... O ciel!�quel exc�s se porte le z�le de la religion dans les dames! Un homme qui n'avait point�t�baptis�, un bon anabaptiste, nomm� Jacques, vit la mani�re cruelle et ignominieuse dont on traitait ainsi un de ses fr�res, un�tre�deux pieds sans plumes, qui avait une�me; il l'amena chez lui, le nettoya, lui donna du pain et de la bi�re, lui fit pr�sent de deux florins, et voulut m�me lui apprendre�travailler dans ses manufactures aux�toffes de Perse qu'on fabrique en Hollande. Candide se prosternant presque devant lui, s'�criait: Ma�tre Pangloss me l'avait bien dit que tout est au mieux dans ce monde, car je suis infiniment plus touch�de votre extr�me g�n�rosit�que de la duret�de ce monsieur�manteau noir, et de madame son�pouse. Le lendemain, en se promenant, il rencontra un gueux tout couvert
de pustules, les yeux morts, le bout du nez rong�, la bouche de travers, les dents noires, et parlant de la gorge, tourment� d'une toux violente, et crachant une dent�chaque effort.
CHAPITRE IV. Comment Candide rencontra son ancien ma�tre de philosophie, le docteur Pangloss, et ce qui en advint.
Candide, plus�mu encore de compassion que d'horreur, donna�cet �pouvantable gueux les deux florins qu'il avait re�us de son honn� Le fantte anabaptiste Jacques.�me le regarda fixement, versa des larmes, et sauta� effrayson cou. Candide�recule. H�las! dit le mis�rable�l'autre mis�rable, ne reconnaissez-vous plus votre cher Pangloss? Qu'entends-je? vous, mon cher ma�tre! vous, dans cet�tat horrible! quel malheur vous est-il donc arriv�? pourquoi n'�tes-vous plus dans le plus beau des ch�teaux? qu'est devenue mademoiselle Cun�gonde, la perle des filles, le chef-d'oeuvre de la nature? Je n'en peux plus, dit Pangloss. Aussit�t Candide le mena dans l'�table de l'anabaptiste, o�il lui fit manger un peu de pain; et quand Pangloss fut refait: Eh bien! lui dit-il, Cun�gonde? Elle est morte, reprit l'autre. Candide s'�vanouit�ce mot: son ami rappela ses sens avec un peu de mauvais vinaigre qui se trouva par hasard dans l'�table. Candide rouvre les yeux. Cun� meilleurgonde est morte! Ah! des mondes, o��tes-vous? Mais de quelle maladie est-elle morte? ne serait-ce point de m'avoir vu chasser du beau ch�teau de monsieur son p�re�grands coups de pied? Non, dit Pangloss, elle a�t� �ventr�e par des soldats bulgares, apr�s avoir�t�viol�e autant qu'on peut l'�tre; ils ont cass�la t�te�monsieur le baron qui voulait la d�fendre; madame la baronne a�t�coup�e en morceaux; mon pauvre pupille trait�pr�cis�ment comme sa soeur; et quant au ch�teau, il n'est pas rest�pierre sur pierre, pas une grange, pas un mouton, pas un canard, pas un arbre; mais nous avons�t� bien veng�s, car les Abares en ont fait autant dans une baronnie voisine qui appartenait�un seigneur bulgare. A ce discours, Candide s'�vanouit encore; mais revenu�soi, et ayant dit tout ce qu'il devait dire, il s'enquit de la cause et de l'effet, et de la raison suffisante qui avait mis Pangloss dans un si piteux�tat. H�las! dit l'autre, c'est l'amour: l'amour, le consolateur du genre humain, le conservateur de l'univers, l'�me de tous les�tres sensibles, le tendre amour. H�las! dit Candide, je l'ai connu cet amour, ce souverain des coeurs, cette�me de notre�me; il ne m'a jamais valu qu'un baiser et vingt coups de pied au cul. Comment cette belle cause a-t-elle pu produire en vous un effet si abominable? Pangloss r�pondit en ces termes: O mon cher Candide! vous avez connu Paquette, cette jolie suivante de notre auguste baronne: j'ai go�t�dans ses bras les d�lices du paradis, qui ont produit ces tourments d'enfer dont vous me voyez d�vor�; elle en�tait infect�e, elle en est peut-� Paquettetre morte. tenait ce pr�sent d'un cordelier tr�s savant qui avait remont��la source, car il l'avait eu d'une vieille comtesse, qui l'avait re�u d'un capitaine de cavalerie, qui le devait�une marquise, qui le tenait d'un page, qui l'avait re�u d'un j�suite, qui,�tant novice, l'avait eu en droite ligne d'un des compagnons de Christophe Colomb. Pour moi, je ne le donnerai�personne, car je me meurs.
O Pangloss! s'�cria Candide, voil�une�trange g�n�alogie! n'est-ce pas le diable qui en fut la souche? Point du tout, r�pliqua ce grand homme; c'�tait une chose indispensable dans le meilleur des mondes, un ingr�dient n�cessaire; car si Colomb n'avait pas attrap�dans une�le de l'Am�rique cette maladie[1] qui empoisonne la source de la g�n�ration, qui souvent m�me emp�che la g�n�ration, et qui est�videmment l'oppos�du grand but de la nature, nous n'aurions ni le chocolat ni la cochenille; il faut encore observer que jusqu'aujourd'hui, dans notre continent, cette maladie nous est particuli�re, comme la controverse. Les Turcs, les Indiens, les Persans, les Chinois, les Siamois, les Japonais, ne la connaissent pas encore; mais il y a une raison suffisante pour qu'ils la connaissent�leur tour dans quelques si�cles. En attendant elle a fait un merveilleux progr�s parmi nous, et surtout dans ces grandes arm�es compos�es d'honn�tes stipendiaires bien�lev�s, qui d�cident du destin des �tats; on peut assurer que, quand trente mille hommes combattent en bataille rang�e contre des troupes�gales en nombre, il y a environ vingt mille v�rol�s de chaque c�t�. [1] Voyez tome XXXI, page 7. B.
Voil�qui est admirable, dit Candide; mais il faut vous faire gu� comment le puis-je? dit Pangloss; je n'ai pas le sou,rir. Et mon ami, et dans toute l'�tendue de ce globe on ne peut ni se faire saigner, ni prendre un lavement sans payer, ou sans qu'il y ait quelqu'un qui paie pour nous. Ce dernier discours d�termina Candide; il alla se jeter aux pieds de son charitable anabaptiste Jacques, et lui fit une peinture si touchante de l'�tat o�son ami�tait r�duit, que le bon-homme n'h�sita pas�recueillir le docteur Pangloss; il le fit gu�rir� ses d� dans la cure, ne perdit qu'un oeil et unepens. Pangloss, oreille. Il�crivait bien, et savait parfaitement l'arithm�tique. L'anabaptiste Jacques en fit son teneur de livres. Au bout de deux mois,�tant oblig�d'aller�Lisbonne pour les affaires de son commerce, il mena dans son vaisseau ses deux philosophes. Pangloss lui expliqua comment tout�tait on ne peut mieux. Jacques n'� Il faut bien,tait pas de cet avis. disait-il, que les hommes aient un peu corrompu la nature, car ils ne sont point n�s loups, et ils sont devenus loups. ne Dieu leur a donn�ni canons de vingt-quatre, ni ba�onnettes, et ils se sont fait des ba�onnettes et des canons pour se d�truire. Je pourrais mettre en ligne de compte les banqueroutes, et la justice qui s'empare des biens des banqueroutiers pour en frustrer les cr� celaanciers. Tout�tait indispensable, r�pliquait le docteur borgne, et les malheurs particuliers font le bien g�n�ral; de sorte que plus il y a de malheurs particuliers, et plus tout est bien. Tandis qu'il raisonnait, l'air s'obscurcit, les vents souffl�rent des quatre coins du monde, et le vaisseau fut assailli de la plus horrible temp�te,� la vue du port de Lisbonne.
CHAPITRE V. Temp�te, naufrage, tremblement de terre, et ce qui advint du docteur Pangloss, de Candide, et de l'anabaptiste Jacques. La moiti�des passagers affaiblis, expirants de ces angoisses inconcevables que le roulis d'un vaisseau porte dans les nerfs et dans toutes les humeurs du corps agit�es en sens contraires, n'avait pas m�me la force de s'inqui� L'autreter du danger.
moiti�jetait des cris et fesait des pri�res; les voiles�taient d�chir�es, les m�ts bris� Travaillaits, le vaisseau entr'ouvert. qui pouvait, personne ne s'entendait, personne ne commandait. L'anabaptiste aidait un peu�la manoeuvre; il�tait sur le tillac; un matelot furieux le frappe rudement et l'�tend sur les planches; mais du coup qu'il lui donna, il eut lui-m�me une si violente secousse, qu'il tomba hors du vaisseau, la t�te la premi�re. Il restait suspendu et accroch��une partie de m�t rompu. Le bon Jacques court�son secours, l'aide�remonter, et de l'effort qu'il fait, il est pr�cipit�dans la mer�la vue du matelot, qui le laissa p�rir sans daigner seulement le regarder. Candide approche, voit son bienfaiteur qui repara�t un moment, et qui est englouti pour jamais. Il veut se jeter apr�s lui dans la mer: le philosophe Pangloss l'en emp�che, en lui prouvant que la rade de Lisbonne avait�t�form�e expr�s pour que cet anabaptiste _ _ s'y noy� qu'il le prouvaitt. Tandis�priori , le vaisseau s'entr'ouvre, tout p�rit�la r�serve de Pangloss, de Candide, et de ce brutal de matelot qui avait noy�le vertueux anabaptiste; le coquin nagea heureusement jusqu'au rivage, o�Pangloss et Candide furent port�s sur une planche. Quand ils furent revenus un peu�eux, ils march�rent vers Lisbonne; il leur restait quelque argent, avec lequel ils esp�raient se sauver de la faim apr�s avoir�chapp��la temp�te. A peine ont-ils mis le pied dans la ville, en pleurant la mort de leur bienfaiteur, qu'ils sentent la terre trembler sous leurs pas[1]; la mer s'�l�ve en bouillonnant dans le port, et brise les vaisseaux qui sont� tourbillons de flammes et del'ancre. Des cendres couvrent les rues et les places publiques; les maisons s'�croulent, les toits sont renvers�s sur les fondements, et les fondements se dispersent; trente mille habitants de tout�ge et de tout sexe sont�cras� matelot disait en Les sous des ruines. sifflant et en jurant: il y aura quelque chose�gagner ici. Quelle peut�tre la raison suffisante de ce ph�nom�ne? disait Pangloss. Voici le dernier jour du monde! s'�criait Candide. Le matelot court incontinent au milieu des d�bris, affronte la mort pour trouver de l'argent, en trouve, s'en empare, s'enivre, et ayant cuv�son vin, ach�te les faveurs de la premi�re fille de bonne volont�qu'il rencontre sur les ruines des maisons d�truites, et au milieu des mourants et des morts. Pangloss le tirait cependant par la manche: Mon ami, lui disait-il, cela n'est pas bien, vous manquez�la raison universelle, vous prenez mal votre temps. T�te et sang, r�pondit l'autre, je suis matelot et n��Batavia; j'ai march�quatre fois sur le crucifix dans quatre voyages au Japon[2]; tu as bien trouv�ton homme avec ta raison universelle!
[1] Le tremblement de terre de Lisbonne est du 1er novembre 1755. B. [2] Voyez tome XVIII, page 470. B.
Quelques�clats de pierre avaient bless�Candide; il�tait�tendu dans la rue et couvert de d�bris. Il disait�Pangloss: H�las! procure-moi un peu de vin et d'huile; je me meurs. Ce tremblement de terre n'est pas une chose nouvelle, r�pondit Pangloss; la ville de Lima�prouva les m�mes secousses en Am�rique l'ann�e pass�e; m�mes causes, m�mes effets; il y a certainement une tra�n�e de soufre sous terre depuis Lima jusqu'� Lisbonne. Rien n'est plus probable, dit Candide; mais, pour Dieu, un peu d'huile et de vin. Comment probable? r�pliqua le