Les RustiquesLouis PergaudUn satyreComme l’angelus sonnait, le soleil s’étant depuis un moment déjà mussé derrièreles nuages rouges du Mont de la Bouloie, Mimile, le petit gars du père Victor, quigardait ses bêtes dans l’enclos des Essarts, rassembla ses vaches et ses bœufset, le fouet claquant comme pour une menace, modula longuement d’un gosiersonore le cri coutumier de ralliement et de retour : « À l’eau lô-lô-lô lô-lô…ve ! »Dans l’air rafraîchi où une impalpable brume se condensait en rosée, les bêteslevèrent leur mufle humide et, dociles à l’invite de leur jeune gardien, gravirent lecoteau pour reprendre, par la saignée pratiquée dans le petit bois qui délimitait enhaut leur pâture, le chemin de terre bordé de haies vives aboutissant au village.Aux alentours et dans les lointains invisibles, les tintements joyeux des clochettesargentines et les bourdons graves des sonneaux indiquaient à Mimile que lesautres petits bergers, ainsi que les bergères de son âge rapatriaient comme luivers l’abreuvoir et vers l’étable leurs troupeaux repus.À quelque cent mètres en avant, dans le même chemin, les trois vaches et les sixbouvillons de sa petite camarade, la Tavie, qui, depuis une semaine, pâturaientdans la prairie voisine de son enclos, prenaient le pas accéléré, excités par lescoups de fouet, et les injures vigoureuses : bougre de charogne, sale chameau,etc., de leur conductrice, que l’ombre grandissante, malgré sa hardiesse naturelle,tant soit peu ...
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