Louis PergaudLes RustiquesUn petit logement— Alors, t’as bien réfléchi, tu ne veux pas me louer ta chambre du fond ? Une fois,deux fois…— Non, non !— Pour soixante francs ?— Pas pour mille !— Eh bien ! garde-la, ta hutte à cochons ; tiens, veux-tu que je te dise, tu ne vauxpas mieux que les autres et tu n’es qu’un feignant, toi aussi.— Et toi, tu n’es qu’un malappris.Crachant en signe de mépris dans la direction du seuil de son interlocuteur, ArsèneBarit, dit Cacaine, quitta après une bordée de jurons le père Désiré et, dans lecrépuscule tombant, reprit à pas lents la direction du logis qu’il occupait vers le hautdu village.Arsène Barit cherchait un logement.À la Saint-Martin dernière, qui est l’un des deux termes de l’année paysanne, sonpropriétaire, Ferréol Tournier, l’avait, sans façons aucunes, prévenu qu’il en avaitassez d’un locataire aussi mauvaise langue que lui et qu’il eût à songer à prendreses cliques et ses claques pour le 25 mars prochain.L’explication qu’ils avaient eue alors avait été des plus orageuses. Cacaine, quiavait passé quelques mois à Paris, avait traité l’autre de sale vautour ; puis ons’était, avec force images, comparé aux animaux les plus disgraciés et les plus malréputés de la terre. Sur quoi, maître Tournier, exaspéré, avait mis son locataire audéfi de trouver au pays quelqu’un qui voulût, même à prix d’or, accepter del’héberger une nuit à l’écurie et Cacaine, dans un ricanement hautain, pariait millefrancs, dont ...
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