Lettre d’adieu J’avance machinalement dans les couloirs, sans regarder autour de moi. Je n’ai d’yeux que pour mon poisson pilote. Elle marche devant moi d’un petit pas pressé, très régulier, léger et discret, avec des espèces de sabot en caoutchouc de couleur vive qui ne font aucun bruit. En la voyant se déplacer, on dirait qu’il n’y a que ses pieds qui bougent. Le reste de son corps ne semble même pas osciller. Un peu comme les danseurs de l’opéra de Pékin. De temps en temps, elle se retourne, pour vérifier que je suis toujours derrière elle. J’essaye de ne pas courir, mais j’ai du mal à la suivre. Elle marche très vite. D’un coup, elle tourne dans un couloir, monte un escalier (elle m’a dit que c’est plus rapide que d’attendre les ascenseurs, surtout quand on ne va pas très haut), pousse une porte, tourne de nouveau dans un autre couloir, tout ça pour m’emmener à destination. Je l’ai croisée à l’accueil. Je cherchais désespérément mon chemin, que l’hôtesse m’avait déjà expliqué deux fois et tracé au marqueur sur un plan mais que je ne trouvais pas, et je voulais quelqu’un pour me guider. Elle m’a dit qu’elle travaillait dans ce secteur là et que je pouvais la suivre. Depuis, je marche derrière elle. J’ai l’impression que ça fait des heures que je la suis comme ça et que l’on a déjà parcouru des kilomètres. Les couloirs se ressemblent tous. Parfois, la couleur des murs change, mais juste un peu.
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