Les Quatre Fils d’ÈveVicente Blasco Ibáñez1921Traduction de l'espagnol par Georges Hérelleparue dans La Revue de Paris, année 29, tome 2, 1922Sommaire1 I2 II3 III4 NotesI[1]La moisson tirait à sa fin, dans la grande estancia argentine appelée « LaNationale ». Les hommes, venus de tous côtés pour faire la récolte évitaient des’entasser dans les maisons des ouvriers et dans les dépendances où l’on gardaitles machines agricoles et les balles d’alfalfa sec ; ils préféraient dormir en plein airet avoir pour oreiller le sac qui contenait tous leurs biens terrestres et qui les avaitaccompagnés partout dans leurs incessantes pérégrinations. Il y avait là deshommes de presque tous les pays de l’Europe. Les uns, éternels vagabonds,s’étaient mis à courir le monde entier pour rassasier leur soif d’aventures, et ilsn’étaient que temporairement dans la pampa argentine ― quelques mois, pasdavantage ― avant de transporter leur existence inquiète en Australie ou au cap deBonne-Espérance. Les autres, simples paysans, Espagnols ou Italiens, avaient[2]traversé l’Atlantique, attirés par l’étonnante nouveauté de gagner six pesos parjour pour le même travail qui, dans leur pays, était payé quelques centimes.La plupart de ces moissonneurs appartenaient à la classe d’émigrants que lespropriétaires argentins appellent « hirondelles » : oiseaux humains qui, chaqueannée, lorsque les premières neiges couvrent leur pays, abandonnent les rivagesde l’Europe et s’envolent ...
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