Louis PergaudLes RustiquesLe Sermon difficileLe curé de Melotte paissait depuis trente longues années le petit troupeau que leSeigneur, par l’intermédiaire de son archevêque, Jacques-Marie-Adrien-Césaire-Fulgence Mahieu, avait commis à sa garde.Il avait marié les vieux, baptisé les jeunes, enterré les aïeuls, catéchisé desgénérations de moutards et malgré ses soins vigilants et sa ferme douceur, malgrétoutes ces qualités, dis-je, et d’autres encore, il avait vu — son Dieu savait avecquels serrements de cœur — la foi baisser lentement comme l’eau d’un vivier dontla source est tarie, et son église, sa chère petite église, se vider peu à peu chaquedimanche.Il savait pourtant qu’il n’était pour rien dans ce malheur des temps et qu’un pareil etdésolant malaise sévissait dans les paroisses d’alentour et même ailleurs etpresque partout.L’indifférence en matière de foi était devenue de règle, car d’hostilité on n’ensentait point trop encore ; à peine sourdait-elle, peut-être, dans quelques propossacrilèges que les mauvaises langues : francs-maçons, libres-penseurs,anarchistes, parpaillots, ennemis déclarés de Dieu et de ses ministres, brebisgaleuses fort rares heureusement dans son troupeau, s’essayaient malicieusementdans l’ombre à propager.Car si ses paroissiens préféraient aux flots de son éloquence dominicale et sacréedéversée ex cathedra ou jetée simplement de la table de communion, le plaisir pluspositif de la partie de quilles et de l’apéro sous la ...
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