Le Printemps prochain

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Le printemps prochain… Le jardin est magnifique, cette année ! Les clématites offrent une explosion de bouquets violets, les glaïeuls ont commencé à pointer le bout de leur fine langue de feu, la corolle des hortensias promet d’être superbe.
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28 juillet 2014

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325

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Français

Le printemps prochain… Le jardin est magnifique, cette année ! Les clématites offrent une explosion de bouquets violets, les glaïeuls ont commencé à pointer le bout de leur fine langue de feu, la corolle des hortensias promet d’être superbe. La pivoine a défleuri, mais les dahlias commencent à ouvrir leur chevelure rouge, jaune. Quant aux roses trémières, leurs fleurs de papier crépon sont perchées à hauteur d’homme. Au potager, tout pousse à une vitesse folle ! Au verger… Eh bien il faudra penser à acheter beaucoup de sucre, car la matière première pour les confitures sera abondante, si le Diable ne s’en mêle pas, pour paraphraser Brassens. Prunes, pommes, poires sont déjà bien formées, parfaitement saines ; les arbres sont bien chargés, à tel point qu’une cueillette « en vert » sera indispensable pour éviter de casser les branches. Sacrifier un peu, pour obtenir beaucoup… Même la treille est magnifique, les grappes de muscat sont opulentes, pleines de promesses de délices pour cet automne. Je devrais exulter ! Ce n’est pas le cas. J’essaie pourtant de me réjouir de cette profusion, cet orgasme de couleurs, du goût délicieux de ces légumes printaniers, de ces magnifiques jardinières, ratatouilles, potages que prépare mon épouse. Mais rien n’y fait : plus c’est beau, plus je m’attriste. Meilleur c’est, plus je sens la désespérance m’envahir. Assis dans l’herbe, les bras autour des genoux, j’essaie de me raisonner ; le chant des oiseaux, dominé par l’harmonieux sifflet du loriot et les trilles du merle, devrait me réconforter, m’apaiser. Mais non. Franchement, je préférerais qu’il pleuve, que ce début d’été soit pourri, qu’il grêle, qu’il fasse un temps gris et froid. J’aurais alors moins de regret. Je me lève, avec lassitude : j’ai l’impression de peser un quintal. Un quintal de désespoir, comme un carcan de plomb autour de ma poitrine. Sur le petit figuier rouge, quelques fruits sont déjà mûrs. J’adorais les figues ! J’en prends une et y mords. Le jus frais est délectable, elle est à point. Et je ne peux retenir une larme. Je recrache le tout pour ne pas garder cette impression suave dans ma bouche. Pourquoi ? Qu’ai-je fait ? De quel péché capital suis-je coupable ? La lumière déclinante de fin d’après-midi est superbe, et je la hais pour sa beauté. Le parfum des seringas, l’effluve subtil du chèvrefeuille, et même le jasmin qui envoie sa note un peu sucrée dans cette…en d’autres circonstances, j’aurais utilisé le terme symphonie, mais cet après-midi, c’est plutôt cacophonie qui s’applique. Finalement, je préfèrerais ne pas être valide, j’aurais moins de regrets. Je préfèrerais ne pas pouvoir quitter mon lit, que cette journée de rémission apparente n’ait pas eu lieu. Je ne verrai pas le printemps prochain. Ma leucémie m’aura emporté avant la fin de l’hiver.
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