Le Mauvais mirageRené Maizeroy(La Fête)1893Dans ces brusques métamorphoses de la lumière électrique, s'épandant tantôt enondes d'un rose fané, exquis, tantôt en une coulée d'or fluide, comme filtrée àtravers des cheveux de blonde, tantôt en une nappe bleuâtre, aux tonscrépusculaires et étranges, où les femmes semblaient avec leur épaules nues, devivantes fleurs, tandis qu'au milieu des rires se déroulait une verveuse revued'atelier jouée par d'incomparables marionnettes - c'était en la nuit du premierjanvier, chez Montmirail, le raffiné peintre des onduleuses poses, des miroitantssurahs, des miévreries parisiennes - le grand Pescaleilles, que d'aucunes ontsurnommé Moumoute, je ne sais pourquoi, nous dit tout à coup, à mi-voix :- Certes oui, l'on ne se trompait pas et les faiseurs de potins n'ont eu tort qu'à demien accolant mon nom à celui de la tant jolie Lucy Pernelle. Elle m'avait pris le cœurcomme un oiselier englue, un matin de gel, quelque imprudent roitelet. Elle eut faitde moi tout ce qu'elle aurait voulu.J'étais sous le charme de son énigmatique et moqueur sourire, où les dents entreles lèvres si rouges avaient quelque chose de cruel, luisaient comme prêtes àmordre, à aviver d'une souffrance le plus câlin, le plus voluptueux des baisers.J'aimais tout en elle, ses souplesses félines, ses lents regards glissant entre les cilsmi-clos comme chargés de promesses et de tentations, son élégance un peucherchée et ses mains, ses blanches mains fines ...
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