L’Inutile BeautéGuy de MaupassantLe Champ d’oliviersLe Figaro, du 14 au 23 février 1890I> Quand les hommes du port, du petit port provençal de Garandou, au fond de labaie Pisca, entre Marseille et Toulon, aperçurent la barque de l'abbé Vilbois quirevenait de la pêche, ils descendirent sur la plage pour aider à tirer le bateau.L'abbé était seul dedans, et il ramait comme un vrai marin, avec une énergie raremalgré ses cinquante-huit ans. Les manches retroussées sur des bras musculeux,la soutane relevée en bas et serrée entre les genoux, un peu déboutonnée sur lapoitrine, son tricorne sur le banc à son côté, et la tête coiffée d'un chapeau clocheen liège recouvert de toile blanche, il avait l'air d'un solide et bizarre ecclésiastiquedes pays chauds, fait pour les aventures plus que pour dire la messe.De temps en temps, il regardait derrière lui pour bien reconnaître le pointd'abordage, puis il recommençait à tirer, d'une façon rythmée, méthodique et forte,pour montrer, une fois de plus, à ces mauvais matelots du Midi, comment nagentles hommes du Nord.La barque lancée toucha le sable et glissa dessus comme si elle allait gravir toutela plage en y enfonçant sa quille ; puis elle s'arrêta net, et les cinq hommes quiregardaient venir le curé s'approchèrent, affables, contents, sympathiques, auprêtre.- Eh ben ! dit l'un avec son fort accent de Provence, bonne pêche, monsieur lecuré ?L'abbé Vilbois rentra ses avirons, retira son chapeau cloche pour se ...
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