La vraie et l'autreRené Maizeroy(La Fête)1893- En effet, reprit Chasseval en se chauffant le dos au feu, qui aurait pu manger lemorceau, se douter parmi ces bonnes pâtes de ménagers, de gros boutiquiers, devignerons, que cette jolie petite Parisienne, aux larges yeux candides, doux, bleutésde Sainte-Vierge, aux souriantes lèvres, aux cheveux dorés comme des fleurs decassie, aux toilettes simples, était la maîtresse de leur candidat.Elle le doublait avec tant de complaisance. Elle l'accompagnait dans les fermes lesplus perdues. Elle assistait aux moindres réunions dans les cafetons de village,ayant un mot aimable pour chacun, subtile, enveloppante, adroite, ne reculant pasdevant un verre de vin cuit, une farandole ou une poignée de main. Elle paraissait siamoureuse d'Etienne Rulhière, si confiante en lui, si attachée à sa fortune, si fièred'être de moitié dans sa vie, de lui appartenir, le couvait avec des regards siimprégnés de joie et d'espoir, l'écoutait avec un si profond recueillement que ceuxqui auraient hésité, se laissaient peu à peu dévier, empoigner, persuader,promettaient leurs votes à ce jeune médecin dont ils n'avaient jamais entendu parlerjusque-là dans le pays.Ç'avait été pour Jane Dardenne une véritable école buissonnière que cette tournéeélectorale, une exquise et imprévue équipée de vacances, et, comédienne dansl'âme, elle jouait son rôle au sérieux, se mettait, comme on dit au théâtre, dans lapeau du personnage, s'amusait plus ...
Voir