Anatole FranceL’Étui de nacreCalmann-Lévy, 1899 (pp. 43-56).CHAPITRE PREMIERComment monsieur saint Bertauld, fils de Théodule, roi d’Écosse, vint dans lesArdennes pour évangéliser les habitants du pays porcin.LA forêt des Ardennes s’étendait, en ce temps-là, jusqu’à la rivière de l’Aisne etcouvrait le pays Porcin, dans lequel s’élève aujourd’hui la ville de Rethel.D’innombrables sangliers en peuplaient les gorges ; des cerfs de haute taille, dontla race est perdue, se réunissaient dans les halliers impénétrables, et des loups,d’une force prodigieuse, se montraient l’hiver à l’orée des bois. Le basilic et lalicorne avaient leur retraite dans cette forêt, ainsi qu’un dragon effrayant, qui futdétruit plus tard, par la grâce de Dieu, à la prière d’un saint ermite. Parce qu’alorsla nature mystique était révélée aux hommes et que les choses invisiblesdevenaient visibles pour la gloire du créateur, on rencontrait dans les clairières desnymphes, des satyres, des centaures et des égipans.Et il n’est point douteux que ces êtres malfaisants n’aient été vus tels qu’ils sontdécrits dans les fables des païens. Mais il faut savoir que ce sont des diables,comme il apparaît à leur pied, qui est fourchu. Malheureusement, il est moins facilede reconnaître les fées ; elles ressemblent à des dames et, parfois, cetteressemblance est telle, qu’il faut avoir toute la prudence d’un ermite pour ne pas s’ytromper. Les fées sont aussi des démons, et il y en avait beaucoup dans ...
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