Je frappe à cette porte. Sonnette en absence. Un livre à lire. Je ne sais encore lequel. On ne choisit ni l'auteur, ni l'écouteur, juste le tarif. Je suis lectrice. J'entre car il ouvre. Un homme incertainement âgé apparaît, il se tient de profil mais le reflet de ses cheveux poivre et sel le trahisse. Je le suis. Un couloir, une porte entrebâillée, un salon. Je m'imprègne de son intérieur. Je remarque une bibliothèque digne d'un lecteur sans fin. Un piano à queue trône au milieu de ce salon. Il m'invite à m'asseoir dans un fauteuil rouge en velours. Puis il me tend un livre tête baissée, j'entrevois la finesse de son visage. Sur la couverture je lis en silence le titre : « L'homme au regard percé », l'auteur m'est inconnu. Il s’assoit sur son fauteuil vert en velours. Je les regarde, lui et son fauteuil abîmé. Ses yeux semblent ne pas me discerner. D'un geste de la main il m'indique que je peux commencer mon travail, celui de lire, mais surtout, de lire à voix plaisante. Je tourne la première page, elle est blanche. Puis la deuxième page, blanche également. J'épelle lentement « L'homme au regard percé » masquant ainsi le frôlement de mes doigts sur la troisième page. Blanche. J'hésite à porter le regard sur mon employeur d'un instant, à questionner celui-ci, son mutisme me pèse.
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