Arthur DaxheletNouvelles de WallonieLa Fiancée du NutonConteIls étaient six dans la vaste salle à manger, les pieds sur les chenets, pâles en lenimbe de fumée des pipes, écoutant le vieux docteur Dureinaux, pendant qu’audehors la froide bise secouait les auvents vermoulus de la grande maison carrée.« Oui, mes enfants, c’est une lugubre histoire, commença l’aïeul, qui avait bien prèsde cent ans. Il y a longtemps, bien longtemps, on ne rencontrait en ce hameau duHébret qu’une seule habitation : c’était la cense de la Hulotte ; mais alors on nel’appelait pas encore de ce nom.Il arriva que le propriétaire, qui l’occupait, mourût et, presque en même temps quelui, sa femme aussi rendit l’âme. Un enfant restait – une fillette, qui n’avait pasencore l’âge de raison.Les gens de peine, pour qui avaient été bons et généreux ceux qui venaient detrépasser, continuèrent à ensemencer les terres et à rentrer les blés, et, l’hiver, leslourds fléaux, comme auparavant, martelaient l’aire de la grange.La jeune censeresse, que tous à l’envi entouraient de soins, grandit heureusementau milieu de cette nombreuse famille de ses sujets qui l’avaient tous commeadoptée.Isabelle, à dix-huit ans, était la plus jolie fille de la région. Élancée, mais robuste,elle avait la santé d’une paysanne qui boit par tous les pores de sa peau les chaudsrayons du soleil. Un sang riche et pur rosait ses belles joues. Sous ses bandeauxluisants de cheveux noirs, noirs comme un miroir d’ébène, ...
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