Louis PergaudLes RustiquesLa ChuteIl n’y a pas à dire, mais quand les dieux ou les destins, comme vous voudrez, ontdécidé qu’ils vous feraient trébucher sur la route de la gloire ou de la fortune, il estinutile de regimber. Aussi bien que le plus gigantesque pavé, le moindre fétu vousenvoie mordre la poussière, et cela quand vous vous y attendez le moins. Ce fut unede ces causes, en apparence bien minime, qui enleva pour le restant de leurs joursà Léon Coulaud le chasseur et à son féal Isidore Cachot, plus connus sous lesnoms de gros Zidore et de gros Léon, la prépondérance sur les affairescommunales et le gouvernement de la mairie de Longeverne qu’ils détenaientdepuis déjà seize ans, un joli bail comme on voit.Ah ! les voies de Dieu (on a bien raison de le dire) sont impénétrables et sesinstruments inconscients viennent se jeter dans nos jambes comme des roquetsdans un jeu de quilles.Ce qui détermina la chute de gros Zidore et de gros Léon ce fut tout simplementune petite jalousie de chasseurs provoquée par un malheureux renard, un vulgairegoupil, un vieux charbonnier à museau chafouin, à queue pelée et par-dessus lemarché, maigre comme un cent de clous.Un matin de mars, ce fut parmi la marmaille de Longeverne une émotion profondelorsqu’on vit le grand Bati revenir de la forêt en rapportant sur ses épaules un renardqu’il avait muselé avec son mouchoir de poche. Il avait pris la bête au piège :depuis huit jours il la guettait.Tout le village, par ...
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