Anton TchekhovSalle 6L’Uniforme du capitaineLe soleil se levait maussade sur la ville de district. Les coqs s’étiraient à peine, et,pourtant, au cabaret du père Rylkine, il y avait déjà des clients. Ils étaient trois, letailleur Merkoûlov, l’agent Jratva et le garçon de perception Smékounov. Tousétaient un peu ivres.– Il n’y a pas à dire ! dissertait Merkoûlov, tenant par un de ses boutons l’agent deville. Les gradés du civil, si l’on prend quelqu’un d’un peu haut, font toujours, au pointde vue tailleur, la barbe au général. Ne prenons qu’un chambellan. Quel homme est-ce là ? De quelle condition ? Et pourtant fais le compte : quatre archines du meilleurdrap de la fabrique Prundel et fils ; les boutons ; le col doré ; le pantalon à bandedorée ; tout le jabot en or ; de l’or au col, aux manches, aux pattes des poches ; queléclat ! Et qu’il faille ensuite habiller MM. les maîtres de la Cour, les maîtres écuyers,les maîtres des cérémonies ou d’autres ministères, dis, que crois-tu ? Noushabillions, je me souviens, un maître de la Cour, le comte André SémiônytchVonliariôvski. Un uniforme à ne pas s’en approcher ! On y porte les doigts et lepouls fait tsik ! tsik ! Les vrais seigneurs quand ils se font habiller, tu n’oses pasaller les déranger. Tu as les mesures ; couds. Aller essayer et ajuster, absolumentimpossible ! Si tu es un tailleur capable, tu n’as qu’à faire tout droit sur mesure…Saute du clocher et tombe dans tes bottes, voilà tout ! Près de nous, ...
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