Les RustiquesLouis PergaudJoséphine est enceinteCe matin-là, en rencontrant son ami Léon, le gros Zidore se tapa sur les cuissescependant qu’un large rire épanouissait sa face de pleine lune :— Eh bien, mon vieux, qu’est-ce que tu en dis ? V’là que ça y est tout de même !— De quoi ? reprit l’autre, l’œil allumé.— Comment, tu ne sais pas la nouvelle ? continua-t-il en s’esclaffant de nouveau ?Le Pape…— Eh bien ! quoi ? Le Pape !— Il a « enceintré » sa bonne !— Sans blague ? insista Léon en éclatant de rire à son tour.— Sûr, comme me voilà, précisa Zidore. On dirait que ça t’épate ?— Pas du tout, au contraire, répliqua l’autre.Ce n’était point, en effet, que nul au pays ne se doutât de la chose. Il y avait beautemps, au lavoir communal ou sous les auvents d’aisseaux qu’on échangeaitd’oreille à oreille de petites réflexions et qu’on se faisait part d’observationsparticulières dont l’ensemble constituait un faisceau de preuves des plusconcluants.Le Pape était l’épicier de Longeverne et depuis plusieurs mois, mainte commèrese rendant à la boutique, pour une emplette quelconque, avait remarqué queJoséphine « crachait dans les cendres » comme on dit là-bas, c’est-à-dire, à toutpropos et même hors de propos, étoilait le plancher d’un jet de salive claire commede l’eau et cette salivation, au jugement des femmes expérimentées, était vraimentun peu trop abondante pour être honnête.La mère de Joséphine avait accueilli avec une belle indignation les ...
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