Anton TchekhovSalle 6Graine erranteПерекати-поле (PÉRÉKATI-POLÉ)( C r o q u i s d e v o y a g e)Je rentrais des premières vêpres. Le carillon du clocher de Sviatogorsk joua, enmanière de prélude, son air mélodieux et doux ; puis il sonna minuit. La grandeenceinte du monastère, étalée sur la rive du Donéts, au pied de la MontagneSainte, tout entourée comme de hautes murailles des vastes bâtiments del’hôtellerie, présentait, dans l’obscurité, éclairée à peine par de faibles lanternes,par les feux des fenêtres et par les étoiles, un fouillis pittoresque et un grouillementdes plus originaux. Aussi loin que la vue pouvait aller, on ne voyait que toutes sortes[1]de télègues, de kibitkas , de fourgons, d’arbas et de guimbardes autour desquelsse pressaient des chevaux blancs et bruns, des bœufs cornus, des gens affairés etdes frères convers, vêtus de longues robes noires. Des rais de lumière venant desfenêtres, et des longues ombres, glissaient sur les véhicules, les chevaux et lesgens, et leur donnaient les formes les plus fantastiques. Des brancardss’allongeaient jusqu’au ciel, des yeux de feu naissaient au naseau des chevaux, delongues ailes noires semblaient croître au dos des moines. Des gens parlaient, deschevaux s’ébrouaient ou mâchaient, des enfants criaient ; par la porte cochère, ilentrait un nouveau flot de gens et de télègues attardés.Au-dessus du toit de l’hôtellerie, des pins entassés à l’envi l’un de l’autre sur lahauteur abrupte se ...
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