Daphné
Alfred de Vigny
Seconde consultation du Docteur Noir
Posthume
1912
Qu’est-ce que Daphné ?
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Première lettre
Deuxième lettre
Troisième lettre
Quatrième lettre
Fin de Daphné
Daphné : Chapitre I
C’était un soir de fête. Le peuple de Paris marchait avec tristesse sur les places publiques et le long des rues. Les familles se tenant
par la main allaient en avant, sans savoir où elles allaient, et passaient, sans s’arrêter, en regardant devant elles. Les hommes étaient
ennuyés, les femmes fatiguées, les enfants tout en pleurs. Des lampions sinistres s’éteignaient sous une large pluie et répandaient
une fumée noire au lieu d’une flamme livide. Les murs étaient teints de lueurs pareilles à celles d’un incendie qui s’apaise. La voûte
du ciel était violette et comme irritée.
La foule glissait sur un pavé tout humide. Les têtes noires se touchaient et n’avançaient qu’avec un mouvement insensible. Le
murmure des voix était sourd et inarticulé comme un long gémissement. Chacun paraissait chercher et demander quel désir l’avait
amené, et vers quel plaisir. Aucun n’était satisfait, aucun n’entrevoyait même ce qui lui pourrait plaire. Tous s’en allaient l’œil vague et
la bouche béante ; tous incapables de s’arrêter dans leur route perpétuelle qui ne menait à rien.
« C’est là une immense question », dit tout à coup le Docteur Noir dans le silence de la nuit.
La voix douce, mais très grave d’un jeune homme lui répondit avec résignation :
Eh bien ! ...
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